Congo - Mboua

Je me réveille un peu avance. L'occasion de regarder les annonces mortuaires à la TV en attendant dans le hall de l'auberge ! Nous prenons ensuite le bac pour traverser la rivière Sangha. Nous allons au "port secondaire". Terme un peu pompeux pour qualifier une berge naturelle où il n'y a qu'une pirogue. Les militaires sont un peu casse-pieds. Ils veulent absolument relever nos passeports. Ils peinent un peu à écrire nos noms sur leur feuille blanche. 15 minutes plus tard, nous traversons. Notre pinassier fait le fier pour la photo. Par contre, il refuse notre billet :"hey patron ! il est pas bon le billet". Il est un peu déchiré... ce n'est pas notre faute si tous vos billets sont dégueulasses !

Nous enchaînons à l'arrière d'un pickup sur 80 kilomètres et voilà Pokola. Ville récente, tournée vers l'industrie forestière. Les camions grumiers défilent à toute berzingue sur les pistes latéritiques. Mathieu, notre prochain chauffeur, nous attend déjà avec sa Toyota Corolla.

Il faut expliquer qu'Adrien a réussi à obtenir le contact du Père Lucien. Un missionnaire suisse qui met en place des écoles dans les villages pygmées sédentarisés du Nord Congo. Il nous a indiqué le Père Clément chez qui nous nous rendons dans le village de Mboua au milieu de... au milieu de rien !

La route est une piste forestière. Tout autour, la végétation est dense. La population de papillons aussi. Mathieu carbure, même à travers une portion inondée : rien n'arrête les Corolla dans ce pays ! Emar, son jeune voisin d'une quinzaine d'années nous accompagne car il aime bien les "aventures". Lui aussi plus tard, il voudrait être un "touriste"...

Nous marquons une pause en chemin afin d'échanger quelques mots avec les habitants d'un campement baka. Ils sont petits... et timides. Adrien, avec ses quelques leçons de lingala, arrive à dialoguer succinctement avec eux. Les enfants sont "maladifs" comme le fait remarquer Emar. Nous faisons un autre détour dans un village : les enfants s'écrient au mundelé et courent derrière la voiture !

Nous arrivons à Mboua. Clément nous accueille mais nous emmène tout de suite voir le commissaire pour les "formalités". Nous trouvons celui-ci assis sous un auvent, une canette de bière à la main. "Prenez place, bonjour, je suis le responsable de la sécurité dans le village". Bon ça va, il a l'air aimable...

"Je dois savoir qui passe dans le village (il hausse le ton). Pourquoi venez-vous ? Quelle est votre mission ? Il fallait venir à mon bureau tout de suite !" Là, il est déjà bien énervé. Cela fait à peine 5 minutes que nous sommes dans le village, dont la dernière à discuter avec lui... et il nous reproche de ne pas être venus ! Le soleil ou la bière (ou les deux) doivent lui taper sur le système.

Nous devons le suivre dans son bureau avec nos passeports. Il s'est calmé et s'excuse à moitié. Il veut nos documents parce que "vous comprenez, c'est ma mission, c'est moi qui assure la sécurité"... oui, t'inquiète pas bonhomme, on a compris. Il prend sa mission à cœur, il veut nous montrer la circulaire du général Dengué qui l'énonce. Adrien nous apprendra plus tard que Dengué est un des plus grands criminels de guerre du pays. La scène qui suit est des plus loufoques. Notre cher commissaire remue ciel et terre, soulève et resoulève une à une chaque feuille sur son bureau mais il ne retrouve pas sa fameuse circulaire. Les gouttes de sueur coulent à flots depuis son crâne rasé. Je ne sais pas s'il me fait rire ou pitié. Il nous faut quand même se pincer les lèvres pour ne pas éclater de rire devant un tel spectacle.

Il abandonne la circulaire et recopie un à un nos passeports sur une feuille qui sera sûrement perdue aussi. Oui, je né à Ploërmel. Oui 1987. "Oh vous êtes jeunes !" s'étonne un badaud à la fenêtre. Clément explique ensuite au commissaire que nous venons ici en voyages, en "éco-tourisme" et lui parle que le guide du Petit Futé donne des conseils aux voyageurs, mais qu'il n'y a que quelques lignes sur la région de la Likouala, et qu'il faut développer la région pour améliorée cela. Le commissaire est surpris : "il me faut ce livre, moi aussi j'ai le droit de l'avoir". Bien sûr bonhomme, mais on te laissera pas notre exemplaire. Tu le trouveras dans toutes les bonnes librairies !

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