Congo - En pirogue

On se réveille tôt pour partir en pirogue à 6h. Évidemment, rien n'est prêt comme prévu. Nous allons voir Clément... le toit de la future auberge s'est envolé dans la nuit. La tuile.

Nous mettons ensuite la pirogue à l'eau vers 7h. Alfred et Farrel seront nos deux rameurs du jour. Nous filons sur la Likouala. Peu d'animaux nous font l'honneur d'une visite : à peine une chauve-souris, quelques paires d'oiseaux et un écureuil. Nous slalomons entre les branches, de temps en temps, il faut passer la barque au-dessus d'un tronc pas assez immergé, ce qui vaut un bon exercice d'équilibriste à Adrien : il n'a pas l'agilité de nos compagnons congolais, sautillant à leur aise sur le bord de la pirogue et sur les troncs.

Une pause pour le petit déjeuner nous fait nous arrêter à un campement de pêcheurs momitamba : une cabane sur pilotis. Celui-ci est désert, nous y restons le temps d'avaler nos chocolat en poudre. A la mi-journée, nous arrivons sur la Likouala-aux-Herbes. Nous sommes à la fin de la période humide, le niveau de l'eau est donc près de son maximum : la plaine est inondée à perte de vue, sur des kilomètres. Je demande si c'est profond, Alfred me répond en plongeant la rame sous l'eau... elle ne touche pas encore le fond qui est donc à au moins 3 mètres. La profondeur maximale est de 12 mètres selon lui, à l'aplomb du lit principale de la rivière.

Adrien est gêné avec son œil, et cela dure depuis le matin sans amélioration. Le soleil le fatigue et il tente de "l'aérer"... on ne s'inquiète pas plus que ça mais la visite à un médecin sera la priorité quand on aura atteint notre destination.

Nous nous arrêtons dans un village pour déguster notre repas préparé par la femme de Clément. Des enfants, des t-shirts sales, des cabanes et des pirogues. Les villageois nous propose des chaises. Sympa... mais je n'aime pas trop l'atmosphère. Ils nous regardent du coin de l’œil. Ils attendent qu'on leur donne quelque chose... l'un d'eux nous demande à boire. Désolé mon pote, on a rien. Cela n'empêche pas Adrien de faire une petite lessive en brossant ses chaussettes sur le bord de la pirogue !


Alfred se guide en regardant les arbres... qui paraissent tous semblables. Nombre d'entre eux sont d'ailleurs calcinés, frappés par la foudre durant un des fréquents orages. On coupe certains bras de rivières, ce qui serait impossible en période sèche. La navigation est d'ailleurs impossible tout court lorsque le niveau de l'eau est au plus bas. Une pirogue à moteur nous dépasse, elle va bien plus vite ! On se dit que cela n'aurait peut-être pas été une mauvaise idée de l'emprunter finalement. En tout cas, on aurait pas vu moins d'animaux.

Les heures passent au fil de l'eau. Après nous avoir bien caressé toute la journée, le soleil s'enfonce de plus en plus dans l'horizon. Nous étions censé arriver à la tombée de la nuit mais lorsque je demande si c'est encore loin... nos compères restent muets. J'insiste un peu, Farrel me répond "2 heures". Ok.

La température baisse dès que le soleil se cache. La nuit est noire. Farrel est passé devant et trouve la route entre les arbres. Enfin, on espère... on ne voit rien devant et on se demande bien comment il fait pour ne pas se perdre avec seulement une petite lampe de poche. J'allume ma frontale et essaie de lui donner un peu plus de clarté dans cette nuit bien noire.

L'horizon s'agite. Un orage s'annonce au loin. Les éclairs apportent un éclairage d'appoint, bien qu'intermittent. Les nuages sont bien épais. On avance doucement, très doucement, trop doucement ? On commence à vraiment regretter le moteur ! Ou si au moins nous avions pris une troisième rame, on serait sûrement aller plus vite.

Le temps passe et l'orage se rapproche... ou plutôt nous nous rapprochons de lui. Le ciel est magnifique, mais il devient menaçant. Nos congolais ont l'air d'y aller à tâtons. Je leur demande si c'est encore loin, cela fait pas loin de 2h que la nuit est tombée. Ni Farrel, ni Alfred ne répondent. Super ambiance ! Il ne reste qu'à leur faire confiance. Je pratique le vieux réflexe développé dans les bus sur les routes boliviennes : alors qu'il conduit comme un malade au bord d'un ravin, je pars du principe que le chauffeur a l'habitude et que de toute façon, il ne veut pas mourir, donc même si cela paraît dangereux, il n'y a pas (trop) de réel danger. Farrel et Alfred pourraient quand même être un peu plus prolixes, mais la fatigue doit commencer à se faire sentir. Je vérifie la direction avec ma petite boussole... on garde un cap sud-est. Cela me paraît être une bonne chose, c'est déjà ça.

Je sens que l'inquiétude gagne toujours un peu plus Aurélie. Nous faisons une pause rapide sur un îlot, rare au milieu de ces kilomètres carrés liquides. Elle veut y passer la nuit, et ne pas risquer de tomber au milieu de l'orage: "on ne navigue pas au milieu d'une tempête". Il est vrai que si la pluie fait rage, nous allons être bien ballotés dans notre pirogue. On se souvient de l'averse qui a inondé le village en moins de 10 minutes. Je ne vois toutefois pas trop l'intérêt de passer la nuit sur un bout de terre de 10 m² à attendre de se prendre un éclair sur la tête. Au pire, j'écoperais avec mes chaussures de marche : elles sont bien étanches !

Adrien demande à Alfred s'il veut passer la nuit ici. Son attitude n'est pas très claire, il met pied à terre, puis 2 minutes plus tard, il semble que l'idée de passer la nuit là lui paraît complètement loufoque. Nous repartons, à quatre contre une, à l'affront de l'orage.

Celui-ci se rapproche encore. Adrien change d'avis... "on est vraiment proche là, on devrait peut-être faire demi-tour non ?". Non ! On garde le cap et la pluie commence à tomber...

On se croirait sur les marches du festival de Cannes tellement les flashs crépitent. C'est beau. Farrel hésite de temps à autres. Je tourne après le grand arbre avec les feuilles vertes, ou après le grand arbre avec les feuilles vertes ? Au bout d'un moment, j'entends Alfred dire tout bas comme pour lui-même : "je connais cet arbre là". Voilà, c'est ça qu'on veut entendre. Puis quelques minutes plus tard, il ajoute que d'où nous sommes, nous pouvons entendre les tambours du village de Makoko si le vent porte dans le bon sens. L'arrivée est donc proche.

J'entends un petit son d'accusé de réception de sms. Aurélie a envoyé un message de secours en France "au cas où on ne serait pas arrivés", signe de son état de stress avancé qu'elle n'avouera jamais. Un quart d'heure de plus et nous avons le pont de Makoko dans le viseur.

Le pont et une route de 80 km ont été construits par des brésiliens en 1985. Bonne initiative... c'est une des rares routes du pays. Nous accostons et déchargeons la pirogue. Il reste encore 5 km à pied pour rejoindre Epena. Farrel a l'air exténué. Partis à 7h, arrivés à 21h. J'ai l'impression qu'il n'avait pas prévu de ramer 14 heures durant.

Nous toquons à la porte de Ruffin, petit frère d'Alfred et employé de la WCS, qui gère la réserve du lac Télé. Il était endormi et ne nous attendait plus. Il nous emmène à nos chambres dans l'enceinte de la WCS et nous voilà enfin dans nos lits.

1 commentaire:

  1. Bonjour, je viens de lire votre conte de voyage tres interessant, comme je voudrais faire le meme tour dans une semaine est ce que vous auriez encore le contact avec pere Clement a Mboua? Merci beaucoup,

    RépondreSupprimer