ADM - Sampa

Voilà 2 semaines que je suis arrivé à Sao Paulo. C'était chouette de revoir la ville et les amis brésiliens.


En plus, trois amis qui étudiaient à Nantes avec moi, Adrien et Yann sont venus de France pour l'occasion. Maxence, Guillaume et Bruno vont découvrir le Brésil pendant 2 semaines. Après un premier weekend paulista pendant la Virada Cultural (inspirée de la fête de la musique française), nous les avons envoyés à Iguaçu, aux fameuses chutes d'eau. Un des musts du continent.


Même si ce sont de grands garçons, on ne va pas les laissez tous seuls trop longtemps. On reprend le sac à dos!

ADM - Bilan à 5 ans

Bientôt une semaine que je suis à Sao Paulo. Cela passe vite. C'est marrant de revenir 5 ans après. Je retrouve la ville que je connaissais... ou pas.


En vrai, Sao Paulo n'a pas radicalement changée. Loin de là. Il y a toujours beaucoup de trafic, quelques hélicos dans le ciel, des buildings en construction, un cobrador dans chaque bus, des shopping mall énormes, des lanchonetes aux coins des rues, des trottoirs défoncés...


J'ai tout de même l'impression que la ville est (un peu) mieux organisée, rangée. Il y a sans doute l'effet "Inde" qui joue : après avoir passé 1 mois et demi dans un bazar continuel, tout le reste parait plus propre.
Et puis, la ville est tellement grande que je ne connaissais pas tous les quartiers. Par exemple, je loge actuellement chez Adrien et Irina, près de Perdizes, un endroit où je n'avais jamais mis les pieds.


Et il y a sans doute eu quelques petites évolutions. L'actuel préfet (c'est-à-dire l'équivalent du maire), Fernando Haddad, a mis en place de petites choses qui font la différence, comme des pistes cyclables, des parkings pour vélos, ou encore des lieux de vie partagés (en retirant des places de stationnement) devant des bars ou restaurants, pour s'asseoir en plein air, se réunir. Bon concept pour se réapproprier un espace urbain envahit par les voitures.


Il y a aussi plus de bus articulés, plus spacieux. Bonne idée. Je repense aux trajets dans des véhicules surchargés, transpirant au milieu des passagers entassés comme des sardines. Les magasins, toujours plus achalandés, me paraissent nombreux à avoir leur décoration refaite. De multiples salles de sport proposent des séances de crossfit. Beaucoup de bars proposent des bières importées ou artisanales. D'ailleurs, faire sa propre bière est à la mode ici, les magasins spécialisés dans ce nouveau hobby ont fleuri. Le fait-maison et le bio gagnent du terrain ici aussi.


Au final, 5 ans c'est loin... mais pas tant que ça.

ADM - Rumo ao Sampa


Cela fait 6 mois que j'ai décollé pour New Delhi. 180 jours à suivre les routes, les rails et les couloirs aériens vers l'orient. Il est venu le temps d'une petite pause. J'entame une partie plus "vacances" que "voyage" de mon parcours. D'une part, je vais être un peu moins itinérant dans les prochaines semaines. D'autre part, c'est un peu un retour aux sources.


J'en avais de la "saudade" de ce Brésil dis-donc. Quel plaisir de manger un prato feito : riz, feijao, viande, batata doce, salade, tomate, le tout arrosé de tubaïana, le soda local à base de guarana. Je suis repu pour 15 reais.


Il est sympa ce petit restau en face de la rodoviaria (gare routière) de Corumbá. Lindomar, le gai luron au service, me rappelle qu'il est utile d'avoir une équipe de football préférée pour pouvoir engager la conversation avec (presque) n'importe qui dans ce pays. Je lui donne un bref cours de français au passage.


Je traverse le Brésil agricole du Mato Grosso do Sul et l'état de Sao Paulo. Bétail (encore!), canne à sucre et maïs. Je retrouve aussi les joies du voyage en bus brésilien : la clim trop forte et les arrêts sur les énormes aires de bord de route, pour se restaurer à grand renfort de viandes ou de salgados. Hisse et ho, Sao Paulo.

ADM - Bolivia te espera


Une fois le sort du vélo réglé, je peux viser plus loin : Sao Paulo. Avant, il me faut traverser la Bolivie et le Brésil.


Je dis au revoir à Antoine et Caroline puis file vers le nord jusqu'à la frontière. La route passe par les quebradas de Tilcara et Humahuaca. L'altiplano est sur son 31. Mes compères vont se régaler quand ils passeront à vélo dans quelques jours.


A La Quiaca, l'Argentine me dit au revoir dans un nuage de poussière. Petit panneau rappel : les Malouines sont argentines. Oui, on aura compris. La Bolivie m'attend. En 1 km de marche, je remonte le temps de 10 ou 20 ans. Les prix sont divisés par 2. Les mamas ont leur chapeau melon et le pancho. La wifi n'existe plus, les cyber cafés sont de retour.


Les bus ont changé depuis mon premier passage 6 ans plus tôt. En mieux. Et les routes sont bitumées. Je suis limite nostalgique de ces bus brinquebalants se trémoussant sur des routes impraticables au milieu de l'altiplano. Seule la musique locale entêtante continue de passer en boucle.


Le long des routes, les peintures vantant l'oeuvre d'Evo Morales, premier président d'origine indigène, sont nombreuses. Malgré les pubs pour le "si", un referendum lui a donné tort : il ne pourra pas changer la Constitution pour briguer un quatrième mandat. Arrivé en 2006, il quittera le pouvoir en 2020.


Je passe 2 nuits de suite dans des bus. Entre temps, je visite la jolie ville de Sucre, capitale de la Bolivie (même si La Paz abrite le gouvernement). C'est aussi à Sucre qu'a été signée l'indépendance du pays : les suceños n'en sont pas peu fiers. Je me fais aussi couper les tifs. C'est un peu plus cher qu'à La Paz en 2010. Mais le coup de ciseau est rapide et efficace. L'artiste stérilise ses outils à la flamme, à l'ancienne école. Une fois n'est pas coutume, j'ai plus de barbe que de cheveux.


Je passe ensuite une matinée à Santa Cruz. Je sens que je m'approche du Brésil. A part ça et une basilique, la ville n'a que peu d'intérêt. Je prends le train pour Quijarro, aux confins orientaux du pays.

ADM - Saltabanques


La circulation se densifie. Les bus et les camions nous passent à quelques centimètres. Nous nous approchons de la ville. Salta la linda.




Mon objectif est atteint. Pas mal de dénivelé et 440 km en une semaine. Il faut maintenant savoir ce que je fais de ma monture. L'envoyer en colis au Brésil? Ce n'est pas rentable. La trimballer dans les bus avec moi? Trop galère. Plan A : la vendre. Plan B : la donner.




Je fais le tour des vendeurs et ateliers de vélo. L'avantage de vendre par rapport à acheter, c'est qu'avec le vélo, je me déplace plus vite. Je fais au moins trois fois le tour de la ville.




Tout le monde me dit que le vélo est beau, mais il n'y a personne pour me l'acheter. A part "el cromo", un revendeur de bric et de broc, qui m'en propose 1000 pesos. Trop peu. Il le revendrait beaucoup plus cher.




Après avoir rencontré un couple d'argentin voyageant en vendant des babioles dans les rues, une double idée germe dans nos têtes. Antoine et Caroline vont jouer de la musique dans la rue. Et moi je vais mettre mon vélo en vente.




Une fois le trac initial passé, Antoine et Caro jouent aux saltimbanques. Ils mettent l'ambiance pendant plus d'une heure. Ils récoltent 70 pesos!




De mon côté, 3 gars sont intéressés. J'adapte le prix à la tête du client. J'ai le téléphone du premier, pour 2000 pesos. Le deuxième reviendra peut être demain, pour 2500 pesos. C'est le seul qui a essayé  le vélo. Le dernier me dit : "je te l'achète demain pour 3000", sans me laisser son téléphone. En clair : mon vélo me reste sur les bras.




Je passe au plan B. Le lendemain, je retrouve nos amis argentins. Je propose le vélo à Tincho, contre quelques uns de ses articles. Il n'en croît pas ses oreilles... et se demande peut-être si je ne suis pas un peu fou. Sans doute.

ADM - Quebrada del Rio de las Conchas

Nous laissons Cafayate et ses vignobles pour pénétrer dans la quebrada, une région de roches rouges. Cet étonnant décor naturel n'a rien à envier au Far Ouest américain et me rappelle un peu le centre rouge australien.
Nous slalomons au milieu de ces géants colorés. La route est plutôt descendante mais le vent nous bride. Cela souffle fort. Les rafales nous feraient presque reculer.


Il y a quelques rares habitations sur le bord de la route. Nous nous arrêtons acheter du pan casero (= pain maison). Encore chaud, un délice.


Un couple arrive à vélo dans l'autre sens. Des français, normal. C'est cool de croiser d'autres cyclistes "normaux". A Cafayate, nous avons croisé un alsacien, un peu extrémiste du vélo : 65 000 km en 3 ans à pédaler et bivouaquer dehors. Pour lui, dormir dans une ville et prendre le bus, c'est "kiss cool la vie". Nous lui demandons s'il rencontre quand même des gens. Le cuir de sa peau tannée par le soleil et le vent se fend d'un sourire : "énorme" répond-il. Nous n'en saurons pas beaucoup plus.


Nous continuons à descendre la quebrada jusqu'à établir notre bivouac au milieu de celle-ci, au bord d'une rivière asséchée. Le cadre idéal pour camper.


Le lendemain, nous terminons la route de la quebrada et filons vers le nord à travers la vallée de Lerma. Le paysage regagne de la verdure.


Nous voulons encore acheter du pan casero à une maisonnette. Il n'y en a pas aujourd'hui. A la place, les campesinos nous offrent quelques grappes de raisin.


Nous bivouaquons de nouveau. Cette fois-ci au milieu d'une estancia de 24 000 hectares. 6000 vaches. Cela me rappelle Tamanick en Australie. Sauf qu'ici, une trentaine d'employés vit sur place. Et le dueño est italien.

ADM - Vallées Calchaquies

Lorsque j'enlève la chambre à air, je me rends qu'elle était déjà en piteux état. Pas la peine de gâcher, je cherche un atelier de réparation de vélo pour en acheter une autre. Il y en a deux à Amaïcha... l'un fait la grasse mat' et l'autre s'en va illico presto en voiture : "donne moi 100 pesos et je t'en ramène une dans 1 heure. Ou 2...". Laisse béton. J'en pique une à Antoine et Caroline, même si elle est un peu plus petite. Cela fera l'affaire. J'espère.


Nous continuons à descendre la vallée via une route en mauvais état. Nous rejoignons enfin la ruta 40. Mieux bitumée, c'est la route touristique qui traverse le pays du nord au sud. Nous sommes autour du point kilométrique 4200!


Lorsque l'on arrête sur la route, il n'y a pas un seul bruit autour de nous. A peine le vent, des fois, un oiseau au loin. Et des pick-up ou des berlines sans âge, pied au plancher, viennent régulièrement briser ce beau silence.


Une succession de longues lignes droites nous emmène jusqu'à Cafayate, au milieu des vignobles. Le vent souffle plus fort. Il faut forcer sur les pédales pour bien avancer. Les vues sur les vignes et les montagnes valent bien ça.


A Cafayate, c'est l'anniversaire de Caroline. Avec Antoine, nous préparons le dîner! Barbecue (parillada) et tarte au citron, le dessert officiel de chaque anniversaire de la demoiselle. Nous n'avons que quelques ustensiles rudimentaires et pas de four. La préparation, et surtout la cuisson de la pâte, est un peu épique... et le résultat étonnamment bon.


Le 1er mai, tout le monde chôme. Nous aussi. Nous prenons une journée de pause et en profitons pour aller au bal du 1er mai. La musique est sympa... mais un peu répétitive. Et nous quittons les lieux avant que les cartons de mauvais vin ne métamorphosent la jeunesse locale.

ADM - Infernillo


Nous sommes au creux du plateau de Tafi del Valle. Prochaine étape jusqu'à Amaïcha del Valle. Quasiment la même altitude, vers 2000 m... mais au milieu : le col de l'infernillo, 3042 m.


Le ciel est bleu. Pas une tâche. Cela fait du bien. La montée commence tout de suite, pas d'échauffement. 25 km pour arriver là-haut, au bout du plateau.


Aujourd'hui, j'ai de meilleures jambes. Une bone nuit de sommeil et une vue magnifique sous les yeux font leur effet.
J'attends Antoine et Caro pour quelques photos. Ils sont un peu plus fatigués que la veille. Quelques barres de céréales et les voilà qui me rejoignent. Le col n'est plus qu'à 5 km? Déjà? Super!


Nous faisons notre pause sandwich en haut, parmi quelques poules et lamas. Ensuite, nous nous calfeutrons pour entamer la descente. Le vent souffle et une flopée de nuages vient d'envahir la zone en quelques minutes.


C'est parti, à fond les ballons. La récompense de deux jours d'efforts. De l'autre côté, le macadam est en très mauvais état. Avec des pointes à plus de 60 km/h, chaque irrégularité secoue le vélo. Heureusement que je n'ai pas acheté un vélo premier prix en plastique...


Cette nouvelle vallée est toute aussi belle.   D'énormes cactus jalonnent la route. Plus on descend, plus on se réchauffe. En revanche, le vélo commence à souffrir. Ma chaîne saute deux fois, mon paquetage commence à se faire la malle mais surtout, j'ai une crevaison lente à l'arrière.


Il ne reste qu'une douzaine de kilomètres de descente, alors je remets 2 ou 3 coups de pompe jusqu'à l'arrivée. Nous voilà à Amaïcha, le début des vallées Calchaquies.

ADM - Coup de pompe

Notre première étape est plate. Mes débuts sont à l'image du macadam, un peu chaotiques. Un écrou mal serré et tout mon bardage s'écroule. Trop serré et cela fausse la roue. Ah, le matériel d'occasion...




Une fois ces "détails" réglés, nous descendons 40 km jusqu'à Acerchal pour planter notre tente dans... une station service, sur les conseils de cyclistes locaux. C'est pas très glamour mais cela nous permet de rejoindre la route 307, menant aux vallées Calchaquies. On se permet tout de même une pause à Famallia, la "capitale nationale des empanadas", rien que ça (= fourrés à la viande). Obligés d'y goûter.


Après une nuit entre les klaxons et le générateur de la station service (merci les boules quiès), nous nous lançons vers le grand objectif du jour : Tafi del Valle, 2200m. Prononcez "Tafi del Vaché".


Profil du jour : 10 km de plat avant 40 km de montée et encore 10 km de plat pour terminer.
Mes jambes sont lourdes, mon vélo trop petit, le ciel est gris. A mi-parcours, je suis déjà éreinté, j'ai le dos cassé, j'ai froid. Antoine et Caro ont la patate. Heureusement, sinon je jetterais le vélo sur le bas-côté pour prendre le bus. Je suis leur tandem en peinant. Plus on monte, plus la brume s'épaissit. Le smiley "tranquilo" tagué dans le dos du gilet de Caro me nargue pendant plusieurs heures. Ils montent à un rythme régulier, tranquilou.


Je me répète "Tafi del Valle, Tafi del Valle, Tafi, Tafi, Tafi...", hâte d'y être. Je finis par trouver mon rythme. J'accélère même pour que cela se termine plus vite. Quelques chevaux apparaissent de temps en temps, perdus dans la brume. On ne voit pas à plus de 10 m. Il y a des chiens aussi. L'un d'eux me court après pour planter ses crocs dans mon sac.


Et voilà enfin le plateau final. Une fois là-haut, miracle de la nature, le ciel se dégage. Nous pouvons enfin découvrir le paysage... et quel paysage! Les flans montagneux encadrent le plateau, la retenue d'Angostura se perle de quelques vapeurs, les nuages dégoulinent sur les pâturages. Et le soleil nous réchauffe enfin.


Nous tombons sur une auberge où se donnent des cours de violon. Parfait pour Antoine et Caro qui allient randos et musique depuis le début de leur voyage. Ils ont encore des forces pour toquer du violon et de la flûte jusqu'à minuit. Moi, je dors déjà depuis 2 heures.