Jours 109 et 110 - San Juan del Sur et au-delà

 Nous restons tranquillement à San Juan. Pas de voiture aujourd'hui, on profite de la tempête et de la pluie qui tombe sur la côte Ouest nicaraguayenne. Quelques malheureux surfeurs tentent bien quelques figures mais le spectacle n'est pas vraiment impressionnant. On peut continuer notre partie de cartes au bar. Après avoir retrouvé les deux brésiliens de notre bateau Colombie-Panama la veille, dans une des rues de la ville nous croisons Tim, un des deux anglais de notre bateau Colombie-Panama. Le monde des voyageurs est petit.

On pourrait tenter le bodyboard, aller voir la pondaison des tortues sur les plages des environs, faire des treks sur l'île d'Ometepe non loin... mais la météo ne prévoyant aucune amélioration dans les prochains jours, nous décidons de partir directement pour Granada le lendemain.

Le lendemain, nous partons donc assez tôt sur les routes. Le van peine un peu à démarrer du premier coup, mais il s'élance finalement. Faudra aussi faire le plein, et on se rend compte que l'essence n'est pas si bon marché que cela, autour d'un dollar le litre. Vu la consommation du bolide, ce n'est pas anodin.


Nous optons pour un petit détour, d'abord sur les rives du lac Ometepe. Ensuite, les guides de voyage indiquent un endroit où l'on peut faire du canopy près de la ville de Nandaime : une sorte d’accrobranche, mais exclusivement des tyroliennes. 50 dolalrs pour nous 3. Toto, Eddie et... (je ne sais plus le nom du dernier, appelons le Didier) nos trois guides sont plutôt des comiques, ils sont très à l'aise entre les cordes et sur les bouts de plateformes à 10 mètres du sol. Un coup Eddie nous pousse, l'autre c'est Toto qui se jette dans le vide ou Didier qui feinte une chute. Le parcours est constitué de plus d'une dizaine de tyroliennes, et nos guides nous font faire des figures à chaque fois différentes : d'abord une classique, puis la tête en avant, en position Superman couché sur le ventre, upside down la tête en bas, l'hélicoptère en tournant sur nous même, en duo accrochés l'un à l'autre, trampoline avec un élastique qui nous fait rebondir jusqu'à l'arrivée... Celle du trampoline est peut-être celle offrant le plus de sensation, en effet, il faut d'abord se jeter dans le vide sans que la corde soit tendue... c'est entre la tyrolienne classique et le saut à l'élastique. Et étant le premier de nous trois à s'élancer ainsi, j'ai quand même eu une seconde de franche hésitation avant de sauter de la plateforme à 10 mètres de haut ! Mais c'était excellent, I believe I can fly !

Nous reprenons ensuite la route jusqu'à Granada. Je fais la course à des chargements de bananes. A Granada, nous trouvons une auberge, l'hospedaje Esfinge, et stationnons devant. Les propriétaires de l'auberge, un couple de petits vieux, sont très gentils. ils nous expliquent qu'il n'y a que deux auberges dans la ville tenues par des nicaraguayens... les 66 autres sont tenues par des étrangers ! Américains ou européens pour la plupart... Nous avons fait bonne pioche. Par contre, ils nous demandent de garer le van un peu plus loin dans un parking. Pas de soucis, je vais aller le bouger.

Je commence à manoeuvrer, mais avec le moteur cale facilement dès lors qu'on n'accélère pas. Pour la énième fois, je cale encore cette fois-ci... sauf que là, le moteur ne redémarre plus. J'insiste un peu, comme le matin même lorsque nous partions de San Juan del Sur, mais au bout de la troisième tentative, une petite fumée sort du tableau de bord, accompagnée d'une légère odeur de brûlé. ET MERDE.

Les proprios de l'auberge connaissent un garagiste qu'ils appellent. Armario arrive peu après, il teste les bougies et remarque que le courant n'arrive plus au moteur. Il faut faire appel à un électricien... mais celui-ci ne veut pas venir, il est trop tard et il pleut : il viendra le lendemain à 8h. Ahlala...

Le soir, j'essaye de ne pas trop penser à cette panne, mais ce n'est pas évident ! Combien la réparation va coûter , Combien de temps cela va prendre ? Il nous amène pas mal de tracas ce van. Comble de malchance, je balance les clés du van sur le matelas de mon lit... et la clé du démarreur se casse en deux. Mais qu'est-ce que j'ai fais pour mériter cela.

Nous sortons tout de même dans les jolies ruelles de Granada, une ville de style coloniale. Une fille nous accoste, elle est française et va jouer le soir même dans un bar avec un ami Salvadorien. Allez, pourquoi pas. Nous nous rendons donc au bar un peu plus tard. Celui-ci est tenu par un américain. La musique n'est pas extra et la boisson est extrêmement chère pour le pays. Mauvais plan. Granada semble être la propriété des étrangers, la plupart des auberges, des bars, restaurants et boutiques étant tenus par des américains ou européens qui se partagent le gateau touristique, quelques nicaraguayens en ramassent à peine les miettes : qui a dit que la colonisation était du passé ?

Jour 108 - Bienvenidos en el Nicaragua

A 5h du matin, nous entendons le déluge s'abattre sur notre chambre de fortune. Deux heures plus tard, le soleil est là pour nous accueillir au réveil. On espère que ce jour sera meilleur que la veille. Puis la pluie revient, mauvais présage ? En tout cas, on a hâte quitter ce pays costaricain.

Et voilà Sylvain qui débarque en bus. Notre sauveur. Il vient de faire plus de 5 heures au bus, au prix fort de 38 dollars (que nous allons lui rembourser, nous ne sommes pas des sauvages). On prend le petit déjeuner avant de partir pour le notaire refaire des papiers justifiant la transaction.

Dans l'office, les employés glandent tranquillement sur Facebook. C'est beau la mondialisation. Après une bonne dose d'attente, Alvaro Ramirez nous fait entrer dans son petit bureau. Il commence à taper à l'ordinateur notre papier. Et il tape au clavier c-o-m-m-e   u-n   p-a-p-y ... Il a déjà un âge avancé d'ailleurs. On doit même lui corriger ses fautes en espagnol. Au bout d'une demi-heure, il nous a refait quasiment les mêmes documents que nous avions fait faire à San José... et il nous demande 50 dollars. Je demande à ne payer que 30, et on coupe finalement la poire en deux à 40 !

Ensuite, nous devons repasser à la douane, faire authentifier la transaction devant Sergio, le fonctionnaire qui voulait nous entuber la veille. Il répond à peine à notre bonjour, et nous renvoie à un de ses collègues: j'imagine qu'il est vexé de devoir nous laisser repartir avec notre véhicule, hehe. Ce collègue prend nos papiers, puis on patiente moi et Sylvain dans le bureau. A croire qu'ils font exprès de faire leur boulot le plus lentement possible pour nous faire chier. Yann et Maïlys se tournent les pouces dehors. Au bout de 2 heures (!), on a finalement un papier nous permettant de sortir le van du pays.

Ils nous expliquent la suite : on doit reprendre le van, mais seulement Sylvain peut le conduire, il doit l'emmener jusqu'à la barrière de sortie du pays, je n'ai pas le droit de conduire sur le territoire costaricain. Nous faisons à nouveau tamponner nos passeports. le douanier nous dit de nous dépêcher, qu'il est pressé... 2h pour nous faire son pauvre papier inutile et il appelle cela être pressé !!! Je n'ai qu'un envie, reprendre le van et lui rouler dessus, mais comme c'est interdit, on obéit gentiment. Ainsi, Sylvain prend le volant, conduit jusqu'à la bordure Costa Rica / Nicaragua avec les douaniers qui nous suivent pour vérifier que l'on ne fasse pas les fous. Sylvain ressort du véhicule et on se dit au revoir, lui va repartir en bus pour San José d'où il va repartir pour la France en avion deux jours plus tard. Moi je reprends le volant, et entre au Nicaragua avec Yann, Maïlys... et notre van !

Et là, on est content. On est enfin passé. Yann et Maïlys partent pour leur tampon, en attendant je passe par le van par la fumigation obligatoire, pour éviter de transporter des organismes vivants potentiellement nuisibles entre ces pays tropicaux. Le van est gazé pour 3 dollars. Je rejoins ensuite mes deux compères, et là les ennuis recommencent : le tampon sur le passeport coûte 12 dollars par personne. Il faut encore payer l'assurance à 12 dollars et la taxe touristique à 5 dollars pour le van. Il nous restait 20 dollars en passant la frontière et l'entrée au Nicaragua nécessite 56 dollars à 3 avec un véhicule. Autant dire qu'on est un peu juste... et si seulement on avait pas eu à dépenser environ 100 dollars supplémentaires côté Costa Rica...

Evidemment, il n'y a qu'un seul distributeur dans le coin, et il est en panne. On évalue plusieurs alternatives : un de nous repasse la frontière pour retirer au Costa Rica (mais on a déjà eu du mal à sortir, ce n'est pas pour y retourner !) ou un de nous rejoins la ville la plus proche retire du cash et revient (mais cela fait perdre pas mal de temps, la première ville étant à une trentaine de kilomètres) ou bien encore un sympathique touriste nous avance la monnaie en échange du transport (on a bien failli réussir avec un allemand, mais il n'avait pas assez sur lui, ou encore avec deux américains, mais ils ont finalement filé en douce sans nous prévenir, méchants ricains). Finalement, à contre coeur, je demande de l'aide à un tramitero. Je tombe sur Felix, qui a la bonne idée d'attendre que quelqu'un paye en liquide dans un des magasins de la zone frontalière et de proposer que je paye avec ma carte à leur place, et récupérer l'argent liquide en échange. Avec son accord, je promets 10 dollars à Felix pour son aide. Après un peu de patience et malgré les réticences des clients, la combine fonctionne, et je récupère 60 dollars. Felix esta feliz (= Felix est content).

On peut ensuite passer aux paperasses administratives: assurance, taxe et contrôle du véhicule par la police. Pendant 20 minutes, 3 malabars dissèquent le van. Ils ouvrent le capot (qu'ils ne savant pas remettre ces abr....) et enlèvent le revêtement plastique... là, nous croisons les doigts pour qu'il n'y ait rien de compromettant, nous faisons confiance à Sylvain pour ne rien avoir laissé de bizarre ! Au bout du compte, les policiers nous laisse repartir, non sans avoir poser ribambelle de questions. Oui, c'est vrai que cela peut être louche, 3 français qui ont acheté un van 2 jours plus tôt... mais nous on est cleans !

Nous reprenons finalement la route à 15h40, il nous aura fallu 24 heures et 10 minutes pour passer cette maudite frontière !! Heureusement que Sylvain est cool et qu'il nous a rejoint pour nous faire passer et la maîtrise de l'espagnol de Maïlys aura été bien utile également pour nous épauler. Encore une taxe de 1 dollar par personne à payer en sortant de la zone frontalière... on est plus à cela près : nous voilà au Nicaragua, ouf.

Nous rejoignons San Juan del Sur, petite cité balnéaire du Sud Ouest du pays, sur la côte Pacifique. Malheureusement, la météo est très mauvaise. On trouve tout de même un bon hôtel, on se fait plaisir avec des chambres à 8 dollars pour la vue sur la mer agitée. On l'a bien mérité. La soirée au rhum Flor de Caña aussi !

Jour 107 - J'ai le volant...

... mais pour combien de temps ?!

Nous quittons San José et Sylvain, et nous dirigeons vers la frontière Nord du pays. Je conduis, Maïlys et Yann en copilotes, quand ce n'est pas la sieste sur la banquette arrière. La route commence par un détour, la Panaméricaine est bloquée à cause d'un glissement de terrain. Il y a eu beaucoup de pluie, c'est la saison, et un ouragan est d'ailleurs en train de passer sur le Guatemala d'après ce que l'on entend aux news.

La route est plutôt belle, cela roule bien, le van aussi. Il a la patate ce van. Parlons-en de ce van : un Chevrolet GMC AStrovan de 1995, V6 de 174 000 miles (~280 000 km), 4800 cm cube, boîte automatique, un gros bébé de 3 tonnes qui a la patate ! Les plaques sont mexicaines, Sylvain l'avait acheté là-bas 3500 dollars deux ans plus tôt et il n'est donc possible de le vendre que là-bas également à moins de payer des taxes d'importation exorbitantes. Notre but est donc simple: rejoindre le pays des aztèques et échanger notre char d'assaut contre des pesos sonnants et trébuchants.

Après plus de 5h de route, nous voici à la frontière, il est 15h30. Il y a plein de camions dans la file, allez hop je double. Une fois garés, tous les tramiteros (= des gars qui restent à la frontière et proposent leur aide pour réaliser les formalités de passage contre pesos) se jettent sur nous comme des mouches. Non merci, on fera tout seul ! 3 minutes plus tard, nos passeports sont déjà tamponnés, ok.

Ensuite, on passe au van. Il faut aller par ici, ah non par là. Il faut faire une copie des papiers de l'autre côté. Après quelques déambulations à travers la zone frontalière, je suis finalement dans la bonne file, tous les papiers nécessaires en main pour avoir le sésame...

Une fois mon tour, je lui présente mes papiers : passeport, carte grise, papier d'entrée du véhicule au Costa Rica, feuille de l'avocat pour l'achat du van, permis, les copies nécessaires... Et là cela bloque. Quien esta Sylvain? Je commence à expliquer mon cas... et le gars se barre avec mes papiers derrière son guichet... pas bon.

Je veux le suivre, fais le tour du bâtiment et le retrouve. Il me dit que c'est pas légal et baragouine plein de trucs, me parle de "decomisso", me demande où est le van, je me dis qu'il veut le contrôler. Sylvain m'avait prévenu qu'il y aurait des contrôles, donc je pars chercher le van, pendant qu'il garde mon passeport et la carte grise. Une fois le van amené à côté avec Yann et Maïlys, le message est clair : "je confisque le van" !

Il nous baratine. On montre le papier de l'avocate, mais il s'en fiche. On essaie de négocier, limite un bakchich de quelques dizaines de dollars, pourquoi pas... mais lui n'a pas le même point de vue : il nous griffonne un calcul et nous sort un prix pour pouvoir repartir avec le van. Si l'on paye 1323 dollars, il nous laisse partir !! Un peu cher pour un van que l'on acheté 500 dollars la veille.

On lui demande une preuve de ce qu'il avance, et il sort un demi-papier du fond d'un tiroir... cela pue l'arnaque. Et puis, il nous annonce tête baissée que l'on peut ne payer qu'une partie de la somme, environ 80% et nous fait même la conversion en colons, la monnaie locale... allez, prend nous pour des pigeons !

On lui fait comprendre que ce qu'il nous dit n'a aucun sens. Ensuite, il passe la main à un collègue qui nous dit qu'il faudra attendre mardi pour trouver un avocat. Un avocat pour quoi ?! On est vendredi, l'après-midi vient de s'écouler, et lundi est férié. Il veut me faire signer un papier, signifiant que le van part pour un entrepôt. Il n'est pas question que je signe.

On commence à en avoir réellement marre. Je me dis qu'on ferait mieux de passer en douce la frontière, une fois au Nicaragua, ce n'est plus les mêmes autorités, plus les mêmes papiers... Yann n'est pas chaud, mais tant pis, j'ai récupéré mon passeport et cela fait déjà 3 heures que nous sommes arrivés à la frontière ! La nuit est tombée, on remonte dans le van et je conduis jusqu'à la sortie du pays... mais le douanier prend son talkie et relève la plaque juste avant.

Nous arrivons à la barrière, on fait profile bas... mais cela ne manque pas, un garde braque sa lampe torche sur notre van et la plaque. Son collègue l'a prévenu et il nous dit de faire demi-tour. Je tente l'attitude "je-comprends-pas-pourquoi-je-ne-peux-pas-passer?" mais cela ne suffit pas. Demi-tour... et là on n'en mène pas large... tu vas voir qu'ils vont nous accuser de délit de fuite.

En fait, le gars ne vient pas nous parler. On est un peu comme des cons dans notre van, pas moyen de passer au Nicaragua, si on reste là l'autre douanier va vouloir nous dépouiller : dernière solution, ressortir de la zone frontalière et retourner à San José avec Sylvain. Alors on tente le coup dans l'autre sens, mais rebelote, un garde nous arrête, mais là il veut la carte grise et nous demande de se garer sur le côté.

C'est ce que l'on fait. La police va arriver. On se dit au moins on pourra discuter avec les flics, ce ne sera pas pire qu'avec les douaniers qui ont décidé de nous pourrir jusqu'au bout. Une fois garé, j'arrive à lancer le van dans un mur en m'embrouillant dans les vitesses de la boîte auto. Heureusement, pas de casse. Cela a le mérite de faire rire les douaniers. Ensuite, on trouve un téléphone public et on arrive à contacter l'auberge pour avoir Sylvain. On lui explique nos problèmes. Pendant un moment, il essaye de convaincre le proprio de racheter le van, vu qu'il était intéressé ! Mais il se désiste, à cause des plaques étrangères.

La police arrive enfin, deux jeunes, Alejandra et Jeff. Le premier douanier se pointe, on explique la situation aux policiers. Ils sont sympas, ils cherchent vraiment une solution. Le douanier veut confisquer le van et le mettre à la fourrière en nous faisant signer son papier. Nous on est pas d'accord. Après un moment de négociation, les policiers proposent de garder le van à côté, à l'intérieur de la caserne et que l'on refasse les papiers en règle devant un avocat avec Sylvain... qui va venir en bus de San José.

Jeff gare le van à la caserne et on doit retrouver le douanier à son bureau pour signer un papier. Cet en..... est parti manger donc on poireaute un moment supplémentaire. On discute avec nos deux nouveaux potes de la police des douanes. Le gars revient, on signe, il est 21 heures. On va finalement dormir dans l'espèce d'auberge pour routiers à côté de la zone frontalière. Un repas spartiate avec nos derniers dollars en poche et le bruit des moteurs nous bercent après une journée bien éreintante.