Congo - 800 km vers le Nord

1h de retard et toujours pas de bus en vue. Je vais à la pêche aux infos, histoire de nouer un premier contact avec la population locale. Je comprends que le bus a dû changé un pneu, puis qu'il s'est retrouvé bloqué dans des bouchons, notamment à cause d'un pont qui serait cassé. Il devrait être là vers 17h50. Ou 18h. Moi qui était content de partir à 16h de jour afin d'observer le paysage, raté.

Le bus arrive à 18h. S'en suit une cohue impossible pour ranger tous les bagages en soute. Installer les gens dans le bus est encore plus problématique. Une vrai bande de gamins, entre ceux qui veulent doubler les autres, ceux qui ne s'assoient pas à leur place malgré les injonctions du pauvre employé dépassé et ceux qui se mettent à s'engueuler avec le contrôleur... "Je vous dis ceci : mon billet avait une erreur, alors je l'ai refait. Non je ne m'énerve pas !" (à prononcer avec une tonalité énervé et l'accent local).

19h17, nous partons enfin. Ou presque. Nous attendons qu'un camion d'une taille non réglementaire manœuvre devant nous avant de pouvoir s'engager dans la rue. Nous avons une bonne vision du trafic depuis notre banquette de trois juste derrière le chauffeur. On peut suivre celui-ci slalomer entre les véhicules et frôler ceux d'en face. C'est bon, je classe les chauffeurs de bus congolais avec les boliviens et les péruviens dans la catégorie "je conduis mon bus comme un taré mais je le fais bien".

Sauf que la route n'est pas encore finie et l'on doit suivre une déviation peu après être sorti de la ville. Le bus s'engage sur une piste en terre, aux trousses du camion hors-normes. Ce qui devait arriver arriva. Celui-ci reste bloqué en travers de la route.

Il doit s'y reprendre à plusieurs reprises afin de manœuvrer dans un virage serré. C'est encore plus difficile à cause des autres véhicules qui tentent de passer en force. Le tout forme un embouteillage ridicule, où tout le monde se retrouve coincé. Et puis évidemment, tous les chauffeurs descendent de leurs véhicules pour commenter la scène ou/et vider leurs vessies. Les passagers du bus aussi. Bordel général.

A force de manœuvres, le camion passe. Un autre se bloque juste après, une voiture voulant forcer le passage l'obligeant à mordre un peu trop sur le bord de la route. Rebelote. Encore quelques minutes passent. On repart finalement une fois le tout décanté. Je réalise que vraiment, les congolais n'ont aucune discipline.

Quelques temps plus tard, pause pipi générale. Je descends aussi. Un autochtone veut dialoguer. Intrigué, il me demande ce que je fais au Congo :
- Je viens visiter le Congo ! C'est un beau pays, je réponds.
- Ah c'est bien. Tu connais la forêt ?
- Euh non. Mais j'espère la voir une fois arrivé à Ouesso (notre destination).
- Ah vous, vous avez le visa pour venir, vous allez où vous voulez. Nous on a pas le droit au visa pour aller en France.
- Euuuuuh...
- J'ai des amis en France, des cousins.
Ah bah voilà, tu vois qu'il y a des congolais en France aussi, faut pas être jaloux pensais-je ! Il m'explique ensuite qu'il travaille pour Total, enfin un sous-traitant de Total, qu'il est "monteur". Comme je ne sais pas c'est, il m'explique. Il a l'air surpris que le blanc ne connaisse pas le boulot de "monteur"... Total, c'est un truc de blanc pourtant ! Il nettoie et répare des tuyaux sur les plateformes, si j'ai bien compris.

On remonte dans le bus. Un écran de télé crache de la rumba à n'en plus finir. L'orage gronde au loin. Des éclairs zèbrent le ciel, loin devant nous, à plusieurs dizaines de kilomètres. La pluie caresse timidement le pare-brise fêlé où s'agite un petit drapeau tricolore pendant que Zeus martèle l'horizon.

La nuit passe et le soleil revient. Il commence à chauffer notre piste poussiéreuse de terre rouge. Au niveau national, les axes routiers en état correct se comptent sur les doigts d'une main. La route que nous empruntons est la plus aboutie : 800 km, de la capitale jusqu'à proximité du Cameroun. Mais les cabanes de chantier abritant les ouvriers sont encore là, le boulot n'est pas fini. Entreprise chinoise et ouvriers chinois, perdus à des milliers de kilomètres de chez eux, à des centaines de kilomètres au milieu de rien.

Puis voilà Ouesso.

Congo - Brazzaville

Et paf, nous voilà en République du Congo !

2h du matin, Adrien nous attend déjà, badge autour du cou, au niveau des tapis bagages. Il s'occupe des certifications qualités de l'aéroport de Maya-Maya. En place depuis 10 mois, il connaît la boutique. Il a même appelé je-sais-pas-qui pour s'assurer que le vol était à l'heure.

Une fois les sacs récupérés, on choppe un taxi pour rejoindre son logement situé à quelques minutes. Brazza n'est pas excessivement grande et l'aéroport est situé près du centre-ville. Moins d'1,4 millions d'habitants, sur 4,5 millions sur la totalité du pays, grand comme 2/3 du territoire français.

Pas de lumière dans l'appart. C'est un "délestage" ! Il n'y a pas assez d'électricité pour tout le monde, alors régulièrement les quartiers sont déconnectés à tour de rôle. Un groupe électrogène est prévu pour ces moments là, mais le gardien n'a pas rempli le réservoir. Bienvenu au Congo.

On prend quelques minutes pour s'acclimater. Adrien nous serre un bière, une Turbo King. Il nous raconte un peu comment cela se passe. Plutôt bien à vrai dire ! A part les petits problèmes de santé. Il est en colocation avec deux autres français, travaillant à l'aéroport également, ils sont malades en ce moment. Mais ils sont partis en weekend sur la côte, alors nous pouvons squatter leur chambre pour finir notre nuit.

Après quelques heures de récupération, nous préparons les sacs avant de déjeuner au Mami Wata. Le restaurant est situé au bord du fleuve Congo, en face à face avec Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo voisine. Il est pas mal fréquenté par les expatriés et par les congolais assez aisés. On y goûte entre autres une nouvelle marque de bière, la Kin, et du saka saka (des feuilles de manioc, cela ressemble à des épinards).

Après un dernier retrait d'argent liquide, remplissant nos poches de billets de Monopoly (en fait, des francs CFA) puisqu'il n'y aura pas de distributeur dans le Nord du pays, un taxi nous fait traverser la ville jusqu'au dépôt de la compagnie Océan du Nord. L'occasion d'avoir un premier aperçu de jour du Congo et de sa capitale. Sinon, le taxi essaye de nous arnaquer, normal. Et le bus est retard, normal.

Congo - Petit fûté

Pendant le survol du Sahara, je me plonge déjà dans l'atmosphère de l'Afrique Centrale grâce à la lecture du guide du Petit Fûté, seul guide disponible sur le pays.

J'y apprends notamment...

... que les congolais sont réputés accueillants. Ils sont généralement amicaux avec les mundelés (nom donné aux français, mundelé signifiant "blanc" en lingala).

... que la réserve du Lac Télé, où nous envisageons une randonnée, est la plus inaccessible des diverses réserves du pays. Elle protège la forêt de la Likouala, une des plus vastes communautés de gorilles de plaines et le fameux mais néanmoins mystérieux Mokélé-Mbembé.

... que le Mokélé-Mbembé est un animal mystique dont la demeure est localisée dans le lac. Certains disent l'avoir vu, d'autres entendu. Les autochtones le décrivent avec un dos énorme, un long cou, à la manière d'un dinosaure sauropode. Existe-t-il réellement ? Mystère...

... que la réserve est cogérée par la Wildlife Conservatory Society (WCS), une ONG américaine, et le ministère de l'économie forestière. Selon le guide, "l'accès est pour l'instant réservé aux seuls chercheurs de la WCS en vue d'établir les priorités du futur programme de protection" de la zone.

Le guide donne aussi quelques conseils de survie :
  • Face à un éléphant : courir !
  • Face à un serpent (peu probable) : reculer doucement
  • Face à un gorille : pas de geste brusque, s'il charge, rester stoïque... il devrait s'arrêter ! (le gorille cherche juste à vous intimider)
  • Éviter les fourmis "légionnaires" qui dévorent tout sur leur passage
  • Face à un crocodile : pas de conseil ?!!
  • Pas de problème avec les chimpanzés...

Congo - Escale marocaine : la mosquée

Les pétarades des mobylettes et les cris des joueurs de foot au pied de l'hôtel ont agrémenté notre nuit... mais pas autant que le muezzin à 5h de matin.

L'excellent petit déjeuner nous permet de bien commencer la journée : pain chaud, thé à la menthe et olives entre autres. Puis direction la principale (et l'unique ?) attraction touristique de la ville.

Après avoir longé une avenue à deux fois 4 voies polluante et bruyante, elle trône fièrement devant nous sur son promontoire face à la mer : la mosquée Hassan II. Construite entre 1987 et 1993, sous l'ordre du roi du Maroc. Il a fallu 2500 ouvriers et 10000 artisans, soit environ 50 millions d'heures de travail au total. 800 millions de dollars pour le "temple Bouygues". Le constructeur, Bouygues donc, et l'architecte, Michel Pinseau, de la troisième plus grande mosquée au monde (après La Mecque et La Médina en Arabie Saoudite) sont français. Son minaret est numéro un : 210 m. Avec deux ascenseurs privés réservés au muezzin.

A l'intérieur, du marbre au sol, mais recouvert des "plus beaux tapis du Maroc" que nous foulons de nos pieds déchaussés. Une chaire pour les cours de théologie, 360 hauts-parleurs habilement dissimulés derrière de fines décorations, une mezzanine pour les femmes, des portes levantes en titane, des lustres en cuivre. Les décorations sont en stuc sculpté sur place (à base de blanc d’œuf "de poules marocaines"). Le toit ouvrant de 1200 tonnes est en bois de cèdre et coulisse en quelques minutes.

Nous passons à la salle des ablutions, dimensionnée pour 1200 personnes. Il y a 5 prières par jour (aube à 5h, matin, après-midi, soirée et nuit). Il faut faire les ablutions à chaque fois, en se lavant plusieurs certaines parties du corps. La mosquée est orientée vers La Mecque et un rayon laser visible à 30 kilomètres en indique également la direction.

Le bâtiment est en fait un complexe religieux et culturel, avec une bibliothèque... bain turc et hammam ! Mais ces derniers ne fonctionnent pas, trop de frais de chauffage et d'électricité paraît-il. Les murs sont recouverts de tulula, un enduit à base... de jaune d’œuf. Encore les poules marocaines à l'ouvrage.

Une fois la visite terminée, nous arpentons la côte, faisons un détour par quelques quartiers moyennement famés, puis allons nous perdre dans la médina. Les ruelles se suivent et se ressemblent... nous nous perdons et retombons sur notre point de départ après une dizaine de minutes de marche à travers le dédale de ruelles, d'étals de légumes et de badauds. En évitant de se prendre un guidon de mobylette en pleine lancée c'est mieux.

Faute de couscous, servi le vendredi seulement d'après nos observations, un tajine en ébullition sustentera nos estomacs. Nous errons encore quelques temps dans les rues de Casablanca, côté ville "nouvelle" puis regagnons l'aéroport, non sans avoir failli rater le bon train. L'occasion de rencontrer deux français au Maroc pour affaire. Non, nous ne restons pas au Maroc, nous allons au Congo. Oui, c'est "hors des sentiers battus" ! Le contrôle à la douane se passe bien. J'ai le droit à une petite blague du douanier qui me tâtonne le buste, le sourire en coin et l’œil rieur : "no massage". J'espère bien !

Congo - Escale marocaine

En empruntant la Royal Air Maroc, nous nous permettons de commencer le périple par une journée à Casablanca. Cela a valu une petite frayeur à l'employé au check-in : il s'y est repris à deux fois pour vérifier que nous n'arrivions pas à Brazzaville avant le début de notre visa. L'aventure est arrivé à un de ses collègues récemment, il a laissé un passager monté à bord alors que son arrivée au Bénin était un jour avant le début du visa. Considéré comme sans-papiers, l'homme a été renvoyé au Maroc puis à Paris avant de repartir pour le Congo... 5000 € l'aller/retour aux frais... de l'employé ayant fait une erreur au check-in ! C'est injuste, mais c'est comme ça.

Après un thé durant le vol, mes premiers pas en Afirque ! C'est bon, l'objectif de visiter les continents asiatique et africain est atteint dans la même année ! Nous empruntons le RER puis un tram flambant neuf afin de rejoindre la Medina en centre-ville. Nous tombons rapidement sur notre hôtel, je craignais de ne pouvoir me repérer dans la médina, surtout qu'il était difficile de trouver un plan correct, mais il faut croire que j'ai eu du flair... ou du bol (je précise qu'Aurélie n'avait pas cherché de carte... et n'a pas du tout le sens de l'orientation !).

Salama Saleikoum ! Le type est bizarre mais sympathique. Nous avons notre clé et notre chambre mais partons pour un petit tour à la nuit tombée avant de dormir. Pas trop loin car le quartier n'est peut-être pas le mieux fréquenté du pays. L'occasion tout de même d'apercevoir au loin le minaret de la mosquée Hassan II : notre réveil pour le lendemain matin !



Aymeric au Congo

27/11/2013

Les sacs sont prêts, ou presque. Pour la n-ième fois, je répète à Aurélie que les bottes en caoutchouc et le pantalon de pêcheur ne sont pas indispensables, que cela fera 3 kilos de trop à transporter. Alors c'est sûr, on prévoit de faire de la marche dans les marécages. Bien sûr, il devrait y avoir des petites choses à traîner dans l'eau et la boue. Mais une bonne paire de chaussures de marche sera tout aussi adaptée, pas besoin d'alourdir le sac.

Nous partons en fin d'après-midi depuis Orly. Alors nous avons amené nos sacs au boulot pour partir directement. J'envoie un dernier mail et passe la main aux braves collègues. Ils sont à moitié envieux de nous voir partir en vacances, mais aussi aux 3/4 inquiets !

Partir en vacances au Congo ne sera pas de tout repos certainement. Mais à part le paludisme, les crocodiles, les moustiques, la tourista, les policiers corrompus, les crash d'avions avec les compagnies aériennes locales douteuses... on ne craint pas grand chose, alors pourquoi s'inquiéter ?!

En plus, nous rejoignons Adrien, vivant sur place depuis 10 mois. Il nous a assuré que la situation politique était stable. Le dernier coup de machette entre tribus a eu lieu il y a une dizaine d'années, et le prochain n'est pas prévu avant un ou deux ans.

Un dernier tour des bureaux et Alain nous prodigue de derniers précieux conseils en tant que fin connaisseur du pays, parcouru quelques années auparavant :
  • Pas trop de bière !
  • Pas trop d'alcool de maïs !
  • Le vin de palme chaud, c'est dégueulasse !
  • Et pas trop de rumba à Brazza !
Ok, je prends note.