Turquie - Voie lycienne d'Olympos à Tekirova

Aujourd'hui, je pars plus tôt : 9h45 on the road again.

Je longe d'abord la plage jusqu'à Çirali. 3 km par le sable et l'asphalte, mais enfin le sentier s'offre à moi. La plage reste en bas. Je retrouve la côte par les falaises, je slalome entre la roche, je profite des rares mètres à l'ombre sous les pins.

Je retrouve une autre plage au sable noir. Pas le temps de me baigner, l'étape du jour fait 23 km. Par contre, je trouve le temps de m'égarer dans la vallée rocailleuse qui suit. Au bout de 200m, je fais demi-tour, me rappelant de la leçon de la veille. Ah voilà, la marque tant recherchée. La marche continue.

Je ne croise que peu de monde. Peut-être parce que la météo ne s'annonce pas fameuse. Autant il y avait du soleil au départ, autant l'horizon commence à se griser. Lorsque je regarde les sommets, c'est même du noir que je commence à voir. Ce qui m'embête, c'est que je me dirige droit (avec pas mal de zigzags tout de même) vers ces arrosoirs géants.

Après avoir passé la longue plage de Maden, lieu d'une ancienne mine de chrome, je remonte une rivière asséchée. Un backpacker, chapeau sur la tête, vient à ma rencontre. Il semble à moitié perdu. Puis je vois ses amis, affalés par terre, harassés par le soleil. Ils sont ukrainiens. Voir des ukrainiens en voyage, c'est rare, mais à leur tête, ils n'ont pas l'air de vouloir recommencer de si tôt. Je ne comprends pas trop si le gars au chapeau, les autres étant hors course, ne trouve pas la suite du trek ou s'il cherche une route plus facile pour améliorer le sort de ses amis.

Je les laisse affalés contre leurs sacs et trace la route. La plage, la vallée... il faut bien monter à un moment ou un autre. 500m de dénivelé m'attendent. Je m'impose d'être là-haut avant de faire ma pause pique-nique. Le tonnerre se met à gronder avant que je ne m'arrête, mais la pluie m'est épargnée. J'ai un petit coup de mou, conséquence de l'enchaînement de peu de sommeil et beaucoup de marche. Je trouve enfin un rocher à une altitude suffisante. La vallée que je viens de remonter d'étale devant moi. J'avale le pain que j'ai chiper au petit déjeuner de l'auberge le matin même. J'avale également une gorgée de la canette énergisant que Ercan m'a offert la veille. Une gorgée seulement, parce que c'est dégoûtant.

Je repars, le tonnerre se fait maintenant entendre... au-dessus de moi. Curiosité météorologique, il ne pleut toujours pas. J'ai enfin passer le sommet du jour. Dorénavant, le parcours devrait globalement redescendre. Je passe alternativement à travers de forêts ou des zones de caillasse. Celles-ci sont particulièrement éprouvantes : à chaque marque, je dois chercher la suivante des yeux pendant quelques secondes. Cela n'a l'air de rien comme ça, mais répéter des dizaines de fois, c'est usant. Surtout que le sol n'est pas vraiment praticable. Et le doute plane : suis-je réellement sur le bon chemin ?

J'avance doucement sur ce terrain difficile. Je perds du temps. Mes mollets me parlent : "cela fait beaucoup de cailloux et pas beaucoup de plage", "c'est pas des vacances". Je vois Tekirova au loin, mon objectif. Je ne sais pas combien de kilomètres il me reste. L'après-midi est déjà bien entamé.

Je retombe sur des panneaux m'assurant que je suis au bon endroit. Encore 5,5 km jusqu'à Tekirova ! Ah quand même ! J'espérais être un peu plus près. Mais les marques suivantes ne sont pas très bavardes et plus ou moins effacées, seuls de petits traits rouge subsistent. Plus je les suis et je doute que le chemin soit le bon. Peut-être est-ce un autre sentier que la voie lycienne ? L'océan réapparaît derrière une crête, encore loin, mais je le vois...

Cela ne coïncide pas avec ce que j'avais en tête. Je ressors la carte de mon guide, ma boussole, allume mon téléphone pour le GPS. Tout cela me laisse penser que je ne devrais pas marcher vers la côte, le chemin étant plus ou moins parralèle à elle d'après la carte. Je m'aperçois aussi que le Nord n'est pas bien placer sur ma carte, cela n'aide pas. Mon GPS m'indique que je suis... dans la nature.

C'est à ce moment que la pluie commence à tomber. Timidement, heureusement. Je ne sais pas si je dois rebrousser chemin ou continuer l'aventure vers la côte, et espérer trouver un autre chemin ou, peu probable, une route. Je reviens sur mes pas... mais ne retrouve pas vraiment le chemin. Je suis à moitié perdu. Je coupe à travers la pente pour arriver en haut d'une crête pour y voir plus clair et m'aider de la topographie indiquée sur ma carte. Je vois toujours Tekirova... toujours aussi loin. Il est déjà 17h. Au pire, je marche tout droit à travers la broussaille, j'arriverais bien quelque part. Céder à la panique ne servirait à rien !

Je retombe enfin sur un panneau jaune : soulagement, mais encore 5 km ! Là, les marques sont bien nettes. Je ne les lâche plus d'une semelle. J'avale les kilomètres. Sur ma route, des chèvres, Tiens, je ferais bien une photo. La main plongée dans le sac pour attraper mon appareil, le gardien des chèvres court vers moi en gueulant, je ne sais pas si c'est du turc...

J'aurais dû dire "en aboyant". Le molosse à quelques mètres, je lance un "oooooh" désespéré. Il s'arrête et me regarde. Je retire ma main doucement. Il me contourne et se place un peu plus haut dans la pente. Il est malin le bougre, il veut me sauter dessus ou quoi ?! Baston de regard. Je pense à mon couteau dans le sac... s'il saute, je n'aurais pas le temps de le sortir. Je m'éloigne doucement sous la surveillance du canidé qui part ensuite récupérer les 2 ou 3 chèvres qui en ont profité pour s'éloigner du troupeau.

Le reste de la descente se passe bien. Il ne pleut même pas. A Tekirova, le stop ne marche pas si bien que la veille et je rentre en dolmus. Quand celui-ci veut bien s'arrêter. Un peu capricieux ces bêtes là.

Le soir, je cède à l'appel des chimères. Dans la mythologie grecque, la chimère est un monstre qui ravageait la région de Lycie : tête de lion, corps et tête de chèvre, queue de serpent. La bête fût vaincue par Bellérophon, fils de Poséidon, chevauchant Pégase. Dans la réalité, du méthane s'échappe de la terre volcanique et s'enflamme au contact de l'air. Un spectacle un peu étrange. Petit bonus, les éclairs illuminent le ciel au loin.

Turquie - Voie lycienne d'Olympos à Adrasan

10h du matin, j'arrive à Olympos. Je suis parti de Paris 40h plus tôt, après une nuit à l'aéroport de Thessalonique et une nuit de bus depuis Istanbul. Le temps de poser mon sac, de prendre une douche fraîche, d'acheter des biscuits et 3L d'eau : je pars sur les traces de la Voie Lycienne. 11h.

La voie lycienne, c'est une des treks classé dans le top 10 au monde par le Sunday Times ou le site du Routard. 510 km de sentier longeant une côte affûtée par les vagues méditerranéennes, se faufilant entre le sable noir de ses plages et la roche de ses sommets enneigés. Quelques vestiges de villes de la Ligue Lycienne jalonnent encore le parcours. L'Empire romain, Hadrien, l'Empire byzantin, l'Empire ottoman... ces pierres ont vu défiler l'Histoire.

Je cherche le début de la rando. Il faut traverser la rivière. Je tombe sur une famille d'hollandais. Le père me montre une trace rouge, ce sont les marques à suivre. Ok, peut-être à plus tard ! Je pars devant.

Au bout de 5 minutes, je ne trouve plus de marques. Le sentier semble continuer sur ma droite, je m'y engage. Je trouve que le chemin n'est pas très praticable... j'hésite à faire demi-tour mais trouve finalement une paire de lunettes de soleil. Cela doit être le bon chemin. Je continue mais m'enfonce dans la pinède. Je me rends à l'évidence, il n'y a pas de sentier... je coupe à travers la montagne, glisse sur des pierres, dégringole des amas de branchages.

Une fois en bas, je retombe sur un chemin, je le suis jusqu'à une faille entre deux parois rocheuses. Je me retrouve au milieu de grimpeurs venus tutoyer les falaises. Ils ne savent pas si la Voie Lycienne passe par là. J'explore les lieux. Cul-de-sac... voilà un couple franco-allemand, Clara et Jens, ils cherchent la même chose que moi. Clara pense qu'il faut escalader les roches. Je m'échine à lui faire remarquer que je n'imagine pas les 2 petits hollandais d'une dizaine d'années escalader une telle montagne à mains nues. Trois éboulements de cailloux plus tard, Clara jette l'éponge. Il est temps, surtout qu'elle est enceinte de 3 mois !

Avec mes deux acolytes, nous revenons au village. Retour à la case départ. Il est 14h quand je repars à l'aventure, un peu découragé, mais il faut au moins que je repère le terrain pour le lendemain...

Mais je me rends compte que le sentier est en fait bien balisé ! J'ai juste omis de regarder à gauche pour attraper le chemin qui s'envole vers le sommet de la montagne. Cette étape jusqu'à la ville d'Adrasan est annoncé en 6h de marche d'après mon guide. 14+6=20. Il fait nuit à 20h. Ça passe. Je me sens pousser des ailes et je pars en courant affronter les 750m de dénivelé.

Grosse suée. Je ralentis un peu. Heureusement que la pinède me protège du soleil. Chaque gorgée d'eau me réhydrate tout en allégeant mon sac. 1h30 de marche et voilà déjà la passe : vue sur les sommets au loin. J'attaque la redescente.

Je rattrape les hollandais. Je leur raconte mes errements du départ. Je les double encore, en espérant qu'il ne me dépasse plus, puis double une tortue se baladant tranquillement.

La descente est longue, mais belle. Je me retrouve enfin dans la plaine entre les serres de tomates et de concombres. Direction la plage d'Adrasan. Je pensais avoir gagner le droit à la baignade mais elle s'arrêtera aux genoux, l'eau est trop fraîche et le ciel devient plus menaçant. Il est 18h. J'ai deux heures d'avance sur la nuit, mais encore faut-il rentrer à Olympos. Il n'y a pas de dolmus (bus), seulement le taxi auquel je n'ose pas demander le prix. Au pire je rentre à pied par la route...

Je laisse passer quelques voitures, et me décide à tenter le stop. Je lève le pouce pendant une demi seconde et voilà qu'un utilitaire s'arrête. Il balance toutes les affaires qu'il avait sur le siège passager et je monte. Olympos ? Il y va !

Mon bienfaiteur s'appelle Ercan. Il me laisse même sa carte, m'offre des biscuits et une canette du redbull local. Il est dans le commerce. Il approvisionne en papier toilette (entre autres) les auberges de la région

Le soir, je me balade dans les ruines d'Olympos en revenant de la plage. J'ai bien mérité
ma nuit de sommeil... dans un lit, pour changer !