Congo - Les civilités

Je me réveille après 12h d'un sommeil très réparateur. En revanche, Adrien ne va pas mieux. Il appelle le docteur français officiant à Brazza. Une fois la situation décrite, celui-ci lui dit de rentrer au plus vite à la capitale. Branle-bas de combat de nouveau. Cette fois-ci, le 4x4 est dispo... d'ailleurs Félin part pour Brazza le jour-même. Timing parfait, Adrien prend son sac et prend l'avion du jour. A savoir qu'il n'y a que 4 ou 5 vols Impfondo-Brazza par semaine.

Nous restons à Epena avec Aurélie. Nous envisageons toujours de nous rendre au lac. Nous voulons donc commencer les préparatifs mais il faut trouver Gérard. Il faut également aller faire "les civilités". Sigfried du WCS et Césel du ministère nous emmènent à la sous-préfecture : un imposant bâtiment qui se ruine chaque jour qui passe. Les pièces intérieures prennent l'humidité et sont insalubres, la poussière est partout : "l'ingénieur a mal conçu le bâtiment" pour nos compères. Plus facile d'accuser un lointain concepteur que d'entretenir un minimum la bâtisse.

Nous montons à l'étage et patientons dans le bureau de la secrétaire. Elle baille aux corneilles, la tête posée sur son avant-bras. Coincée entre son bureau et une pile de portrait de Sassou, elle ne sert à rien, comme 90% des gens que nous croisons dans les couloirs j'imagine. Le sous-préfet peut nous recevoir : il est amical, son bureau est grand, très grand. Nous prenons place dans un canapé et nous sourions gentiment à son discours : "Soyez chez vous, je suis très content de vous recevoir". On explique que nous allons voir le lac, tout simplement. Ah et que nous sommes en vacances. "Ce ne sont pas des touristes professionnels, ils sont là sur leurs congés" ajoute Sigfried. Le sous-préfet hoche la tête d'un léger étonnement. On progresse.

On enchaîne avec la gendarmerie. Un sous-fifre est chargé de reporter sur une feuille blanche toutes les obscures inscriptions de nos passeports. Il n'a pas l'air de savoir pourquoi, mais il s'applique. Il nous demande quelle est notre mission : euh, on va dire l'ethnologie post-coloniale non ? Leurs âneries nous prennent toute la matinée.

Gérard réapparaît juste après. Nous le suivons pour aller manger, il nous a promis du poulet, nous aurons du crocodile. Mais dans un semblant de cabane servant de restaurant, on ne nous sert que des boyaux. Nous réclamons des vrais morceaux de viande ! Ce qui est le cas de l'assiette de Gérard d'ailleurs, et on se dit que soit il est con, soit il se fiche un peu de nous. Je garde tout de même mon assiette en mode koh-lanta. C'est affreusement mauvais, à part l’œuf, qui est très bon et a un goût... d’œuf.

Pour les préparatifs de la rando, "j'ai le logiciel" pour préparer la logistique dit Gérard. Je suis un peu sceptique de la réalité de la chose et effectivement, il a simplement Excel installé sur un PC. Et il sait à peine s'en servir. Aurélie prend le relais version 100 fois plus rapide pour digitaliser notre liste de courses.  Plus elle s'allonge et plus je me rends compte que cela représente un sacré budget, car non seulement d'être long à la détente, Gérard est particulièrement feignant et pas particulièrement fiable. Il veut nous faire prendre 5 porteurs sur 5 jours. Pour Aurélie et moi, il est évident que nous porterons nous-même notre sac. Idem pour toi Gégé... pas de négociation là-dessus. Pour le Club Med, ce n'est pas la bonne adresse ! Surtout que plus il y a de porteurs, plus il faut de nourriture, donc plus il faut de porteur ! Le cercle vicieux. Et il faut les payer (5000 par tête et par jour), ainsi que le pinassier (10000) et... Gérard. Pour lui 5000 par jour... ah non, 10 000, ah non en fait 15 000 parce qu'il s'il vient avec nous, il ne recevra pas sa paye... je le regarde de travers, je sens qu'il fait n'importe quoi et tente d'en profiter. Cela ne me plaît pas trop, nous demanderons à Félin ou Sigfried pour les salaires. Nous prévoyons finalement une virée de 4 jours en forêt avec moi, Aurélie, notre pseudo "guide" Gérard et 3 porteurs pour le gros de la nourriture et du matériel de cuisine.
  • Eau :       18 bouteilles * 1000 = 18 000
  • Sardines :       16 boîtes * 500 =   8 000
  • Corned beef : 24 boîtes * 900 = 21 600
  • Macaroni :    8 paquets *1000 =  8 000
  • Manioc :     24 portions * 100 =  2 400
  • Riz :                       6 kg * 500 =  3 000
  • Concentré de tomates : 8 boîtes * 200 = 1 600
  • Pâte d'arachide :  1 kg * 1000 =  1 000
  • Huile :                   1 L * 1200 =  1 200
  • PQ :             3 rouleaux * 500 =  1 500
  • Cigarettes      5 paquets * 700 =  3 500
  • Piles :             16 unités * 100 =  1 600
  • Bougies :        10 unités * 150 =  1 500
  • Briquet :           3 unités * 100 =     900
Je suis déjà moyennement chaud pour les cigarettes et les piles... Gérard veut aussi des machettes, de la corde... stop ! C'est non, on n'achètera pas tout ça. On va pas lui acheter de nouvelles chaussures non plus !

Pendant ce temps, la pluie tombe à seau. 10 cm d'eau envahissent la cour. Avec Aurélie, on commence que c'est notre expédition qui prend l'eau. Notre guide est mauvais et il pleut la moitié de la journée... et impossible de savoir combien il y a de kilomètres entre le village de Boha et le lac. Les estimations kilométriques varient entre 30 et 50 et les estimations temporelles entre une bonne journée ou plus de deux journées de marche.

L'orage s'arrête. On était à deux doigts de laisser tomber... mais nous arpentons tout de même les petits commerces d'Epena pour réaliser tous nos achats : 74 800 CFA au total (115 € !). Rendez-vous est pris le lendemain matin à 5h avec Gérard pour arriver à l'heure à Boha pour les rituels avec les notables. 19h45, nous nous apprêtons à aller dormir... je n'ai pas du me coucher aussi tôt depuis le CM1. Nous recevons un texto d'Adrien : il est à Brazza et a vu le médecin. Il est rapatrié sur Paris le lendemain pour greffe de la cornée. Aïe.

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