Triple A - Lac du Bourget, massif des Bauges et lac d'Annecy

Sans mettre le réveil, j'ouvre les yeux assez tôt. La nuit a été douce. J'ai bien fait de pédaler jusqu'au lac : le début du jour est superbe à son bord. La brume s'accroche à la montagne. Un pêcheur a été encore plus matinal que moi.

Je me débarbouille avant de repartir. Je remarque que ma peau a foncé. Le bronzage du cycliste.

Je contourne le lac jusqu'à Aix. Je me pose un peu face à lui, j'ai bien mérité quelques instants de repos. C'est la première pause depuis mon départ, hormis pour manger ou dormir ! Cette dernière journée devrait être plus cool. Enfin j'espère !

Je laisse un message à Antoine pour lui dire que je vais commencer à grimper : RDV au col du Revard vers 13h ! Lui et Cécile ont passé le weekend en montagne, ils doivent faire un petit détour avant de revenir sur Lyon afin de me rejoindre pour un pique-nique agrémenté d'un superbe panorama.

Je passe le centre-ville et attaque le col. Il y a des bornes kilométriques annonçant déjà la couleur : 20 km à 7%. Je monte tranquillement, entre 6 et 7 km/h. Ma cuisse droite commence à me lancer. Je me mets de temps en temps en danseuse pour contrôler la douleur. Tout va bien, je peux continuer.

Comme en Corse, avec leurs vélos taillés pour la route, quelques pistards me dépassent. Quelques bonjours, un "courage, bravo, avec le poids !" et un vététiste qui me tape la discute. Le gars est du coin, c'est la première fois qu'il fait le col à vélo, d'habitude il fait du ski de fond. Il compte bien être rentré chez lui à temps pour le déjeuner !

Après 3h d'effort continu, m'y voilà : 1537 m. Le lac du Bourget s'étale d'un côté, le majestueux Mont-Blanc de l'autre. Le plus grand lac d'origine glacière du pays, contre la montagne la plus haute du continent.



Des promontoires ont été installés il y a 3 ans afin de permettre de s'avancer dans le vide et de mieux apprécier la vue côté lac. Le temps est superbe. Le paysage l'est d'autant plus.

Antoine et Cécile arrivent peu après. Nous pouvons pique-niquer tranquillement avant d'aller prendre la pause sur un des promontoires. Ils n'étaient jamais venu. Pourtant, la boîte dans laquelle travaille Antoine a son siège au Bourget-du-Lac et il vient donc y travailler de temps en temps. Pas dégueu comme plan.

Nous demandons à une femme de nous prendre en photo. Elle accepte, mais avant elle nous raconte la légende de la dent du Chat, le pic rocheux situé en face dont le col m'a fait pédaler de nuit la veille. On dit que les soirs d'orages dans les villages montagnards, le chat géant vient enlever et manger les enfants qui n'ont pas été sages.

Nous restons discuter un peu mais l'heure tourne et j'ai un train ce soir. Je m'apprête à repartir lorsqu'une autre femme me hèle : "monsieur monsieur, est-ce que vous avez des rustines ?!!!". J'en ai.

Elle et son mari, la soixantaine vigoureuse, ont également grimpé le col à vélo. En discutant un peu, j'apprends qu'ils sont aussi des adeptes des randonnées à vélo avec la tente. Aujourd'hui, ils sont partis légers. Mais le sort s'acharne sur le pneu arrière du mari. Il a crevé, changer la chambre à air, et crevé à nouveau.

Je reste 30 minutes de plus en haut. Récupère mon matériel, dis au revoir à Cécile et Antoine et me précipite dans la descente du col. Annecy est encore à une bonne quarantaine de bornes, encore plus si je veux faire le tour du lac.

Je bombarde jusqu'à Lescheraines, non sans avoir bien vérifié ma route auprès d'un autre cycliste. Je ne peux pas me permettre le luxe de descendre la montagne du mauvais côté ! Puis un autre col, une broutille comparé à celui du matin : le col de Leschaux, 7 km pour atteindre les 900 m.

C'est ensuite le lac d'Annecy qui s'offre à mes yeux ébahis. Magnifique. Je dévale la route... mais je sens bien que je m'approche trop vite d'Annecy. J'aurais tourner à droite avant, je viens de m'ajouter 5 bornes en prime si je veux faire le tour. Mais bien sûr que je veux faire le tour ! Je suis large, j'ai presque 3h devant moi, 2 pour manger les 40 petits km restants et 1 pour attendre le train. Ça passe !

Il y a une piste cyclable autour du lac, pratique. Il y a beaucoup de cyclistes, rollers et piétons dessus, moins pratique. A l'extrémité sud, je continue sur la piste cyclable... j'ai un doute là. Je me renseigne auprès d'un roller : je suis en train de m'égarer, histoire de m'ajouter encore 1 ou 2 km supplémentaires.

Je suis au taquet sur le vélo. Côté Est du lac, la piste cyclable a disparu, et je retrouve les voitures. Dernière ascension à Talloires, après c'est tout plat jusqu'à Annecy, cela va rouler, j'y suis presque. Sauf que je tombe sur des bouchons...

Je me retrouve à devoir doubler ces satanés autos. Je me mets encore plus à détester ces @&%* de conducteurs : quand il s'agit de me doubler sur la nationale, 9/10 ne savent pas se décaler pour laisser le mètre 50 réglementaire, par contre, lorsqu'il s'agit tenir sa droite pour que je puisse les doubler, il n'y a presque plus personne. Un calé à droite, un autre à gauche, c'est la croix et la bannière pour les dépasser ces zouaves. Les quelques motards ont beau pester plus que moi, ils galèrent aussi, malgré leurs coups de klaxons.

Et c'est comme cela sur 3 ou 4 kilomètres avant de voir l'origine de ce bazar : une voiture a renversé un scooter. La voiture vient d'être remorquée, le scooter mis sur le côté. Cela va se débloquer. Moi je prends de l'avance avant que les zouaves ne veulent me dépasser.

Je fonce sur Annecy et sa gare. Une piste cyclable a réapparu, c'est bien. Je déambule en ville et trouve enfin la gare. J'arrive sur le quai à 20h30. 30 minutes d'avance sur le train. Laaaaarge !

Le train arrive. Un employé de la SNCF aide une voyageuse avec sa valise devant moi. Il ne m'aidera pas pour mon vélo avec lequel je galère pour monter les 3 marches, puis passer la porte trop étroite et enfin pivoter dans l'espace confiné du "local vélo". Et dire que je paye mon billet 100 balles. A cet instant précis, je mettrais bien la SNCF avec les autos-écoles françaises sur un énorme bûcher.

Pour nuancer ses derniers propos, je dois quand même avouer que j'apprécie d'avoir un billet couchette, surtout que je suis tout seul dans la cabine de six places. Je fais le bilan : 563 km. 34h41 sur le vélo. Objectif atteint. Je m'allonge en attendant Austerlitz. Ciao la Savoie.

Triple A - La Bresse, la Dombes, la Saône et le Rhône

Réveil aux aurores, comme d'hab. Je descends sur Cluny, jette un coup d’œil à la charmante bourgade et trouve enfin cette satanée voie verte que je voulais attraper la veille.


Bonne nouvelle supplémentaire, il y a un point d'eau potable. Elle est vraiment bien cette voie verte. Je me débarbouille et remplis mes gourdes. Mon vélo se casse la gueule, déséquilibré par le poids des sacoches. Même si je préfère qu'il tombe quand je ne suis pas dessus, je préfèrerais qu'il ne tombe pas du tout !

Je suis la voie. Elle est bien vallonnée elle aussi. Je passe un tunnel de 1,7 kilomètres de long, le tunnel du Bois Clair. Stylé. La lumière est au bout.

Je suis encore en Bourgogne, terre de grenouilles et d'escargots si j'en crois les restaus du coin, et je passe à côté de quelques vignobles. J'en ai pas encore vu des masses depuis le début, alors je prends la peine de m'arrêter au moins ce coup-là. Je picore quelques grains violets. Juteux et sucrés, un délice. J'hésite à ramasser des grappes entières dans mes sacoches, mais je me dis que je vais les écraser et que j'aurais l'occasion de picorer à nouveau plus tard.


 
 

En fait, les champs de maïs reprennent rapidement l'avantage. J'arrive à Mâcon. Je traverse le centre-ville et les rues commerçantes et piétonnes. La ville est agréable, au bord de la Saône. Je la longe d'ailleurs... vers le nord d'après ma boussole. Le nord ? Oh le c.. ! J'allais me tromper, je n'ai fais que 500 m heureusement.

Je passe en Bresse dont j'évite le Bourg et je traverse la région des Dombes, ponctuée d'un milliers d'étangs, creusés par l'homme, surtout des moines, pour exploiter l'argile et permettre la pisciculture. Une fois de plus, un champ fera office de table de pique-nique. Qu'est-ce qu'on est bien, hein le papillon ! (oui, quand on est tout seul toute la journée, on se met à parler aux papillons)

J'enchaîne les petits bleds. Je ne vais pas faire pleins d'histoires de passer à Romans. Surtout que quelques temps après, j'étais déjà à Crans. Je suis ma route, tout va bien !

Je cherche ensuite à rejoindre les rives du Rhône. J'en vois d'abord la vallée depuis les hauteurs. La journée est belle, les nuages sont là mais j'espère bien qu'ils resteront amicaux.

Je pique donc vers le creux. J'erre un peu entre Chalamont, Leyment et Lagnieu, mais retombe finalement sur mes pattes. Enfin, sur mes roues. Le coin est superbe. Des falaises de chaque côté, le puissant Rhône se la coule douce au milieu.

D'après mes plans, je peux longer le Rhône quasiment en permanence, ce dont je ne prive pas au début. Mais la piste cyclable s'arrêtant sans crier gare, elle m'envoie me perde au détour d'un village. Je regagne la grand-route. Celle-ci n'est pas très fun. Un chemin de traverse me ramène vers des rivages plus calmes. Trop calme même, la petite route goudronnée devient chemin après un village. Le chemin devient de plus en plus chaotique, tortueux, boueux puis franchement défoncé. Ma monture tient bon, moi aussi. En breton têtu, je ne veux pas faire demi-tour.

Le Rhône est à 2 mètres sur la droite. Pas de sortie par là. Une ouverture sur la gauche. Je tente ? Allez je tente. Je traîne ma bécane pendant 400 m sur un sentier inusité depuis belle lurette, me faufilant entre les branchages et les ronces. Tout cela pour me retrouver dans un champ de maïs. Impasse. Je fais marche arrière pour retrouver les flaques de boue. Je persévère. Cela passe d'après Google Maps !

Et paf. Me voilà devant des barbelés. 4 rangées. Pas le droit de me faire ça ! Je suis un peu dégouté. On dirait remake de l'épisode de la falaise picarde. "Réfléchissement" : barbelés = champ avec des bêtes = il doit y avoir une sortie de l'autre côté menant à un chemin. Je tente. Je m'apprête à défaire les affaires du porte-bagages pour pouvoir soulever le vélo mais remarque que le barbelé du bas est un peu lâche. Je fais passer le vélo est le poussant au sol. Bingo.

Et me voilà à pédaler au milieu du champ. Il y a effectivement quelques charolaises. Après 500 m, je n'ai plus qu'à ouvrir une barrière, que je referme derrière moi, évidemment. Pari gagné. Je retrouve la grand-route, qui bien qu'elle m'insupporte, me réconforte. J'ai perdu une heure pour faire 2 ou 3 bornes. Cela ne me rassure pas sur les possibilités d'atteindre l'objectif final mais c'était tout de même rigolo en fait.

Après un ravitaillement en eau aux vestiaires d'un terrain de foot, je dois prendre la direction de Belley pour continuer sur ma lancée. Deux options s'offrent à moi : 23 kilomètres à droite ou 15 kilomètres à gauche, mais avec du dénivelé. Mes mollets sont partants, alors je taille la montagne et passe par la vallée du Gland. Bonne grimpette, récompensée par une grosse descente sur Peyrieu.

Le relief est de plus en plus marqué. Je passe un tunnel. J'avais repéré le tunnel du Chat, est-ce celui là ? Si oui, bonne nouvelle, je n'ai pas eu besoin de le contourner. Je passe Yenne et ne cède pas à l'appel du camping municipal malgré l'heure avancée. Je sens que je peux arriver au Bourget-du-Lac ce soir. Cela me permettrait d'être serein pour attaquer la dernière journée.

J'arrive à Saint-Jean-de-Chevelu, il est presque 20h. Il y a plusieurs campings, la raison me dit de m'y arrêter... mais le cœur et les jambes de continuer ! Non seulement j'aimerais avoir de l'avance pour le lendemain, mais je préférerais aussi avoir le soleil au matin plutôt qu'il soit caché par la montagne qui forme une barrière Nord-Sud (consultez vos atlas pour plus de détails).

Ces pérégrinations me font tout de même faire des détours. J'arrive quand même devant le tunnel, le vrai. Interdit aux vélos, 2 kilomètres de long... j'hésite, mais avec ma seule loupiote, c'est un peu suicidaire. Je suis peut-être fou mais pas suicidaire. J'erre sur la route des vignobles... goute quelques raisins verts et aigres (beurk) et me résigne : je vais me faire le col du Chat. Il me reste à peine 30 minutes de jour !

Cela a le mérite de m'offrir un beau coucher de soleil. Je monte doucement, mais sûrement. La nuit approche, la température diminue gentiment. Enfin un panneau "col du Chat 1 km". Je décompte chaque centième sur mon compteur, après 1,2 kilomètre m'y voilà : la pente s'inverse, "col du Chat 638 m" !

Il fait déjà nuit, tant pis pour la photo. Je sors la frontale pour compléter mon phare. J'enfile le kway, je m'enfile une barre de céréales et c'est parti pour la cavalcade dans les épingles. Il fait froid. Les lumières du lac du Bourget m'apparaissent, Aix-les-Bains est en face. Instant magique.

J'espère trouver un camping au Bourget. Soulagement quand je vois un panneau dès l'entrée de la ville. L'accueil est fermé, il doit être 21h30 passé. Je me faufile ni vu ni connu dans le camping quasi plein. Je m'arrête avant de me retrouver dans l'eau. Je m'installe non loin du bord du lac sur un des rares spots restants du camping.

J'ai explosé mon record explosif de la veille : 202 kilomètres.

Je m'installe et me toilette. Une légère brise, le clapotis des vagues et un ciel étoilé me font oublier que je claquais des dents sous l'eau chaude de la douche. J'avale quelques denrées, envoie un message à Antoine pour confirmer que je suis dans les temps pour notre rendez-vous du lendemain... je n'entends plus les bruits de mes voisins, je dors déjà.

Triple A - La Bourgogne

J'ouvre l’œil à 6h45. Départ 7h35. Je continue dans la vallée du Cousin. La route monte et descend, zigue et zague,  La pluie arrive plus tôt aujourd'hui. Je commence à en avoir ras la casquette du Morvan, moi qui voulait tant le parcourir. Je passe le lac de Settons, je mets le pied à Planchez et décide de légèrement modifier mon itinéraire : je coupe un peu pour aller directement à Autun.

Je sors enfin du Morvan. Son relief a ralenti mon allure, mais je précise que c'est un joli coin de France à arpenter, et que je l'ai tout de même apprécié.

Après un pique-nique champêtre, j'atteins Autun, là aussi il faut monter un peu pour aller jeter un coup d’œil à la cathédrale Saint-Lazare.

Et puis vient le tour de Le Creusot. Une petite montagne à passer avant, un avant-goût de col. Je me ravitaille en eau en interrompant une partie de belote dans une maison au bord de la route puis je contourne la ville. Je me retrouve sur des routes bien roulantes, de type nationale. C'est la journée de toute façon.

Ensuite je souhaite récupérer une voie verte. De mémoire, il y en a deux qui relient Chalon-sur-Saône et Mâcon, je compte retomber sur celle la plus à l'Ouest mais je ne sais pas à quel endroit exactement, vu que j'ai modifié mon itinéraire, je n'ai pas le coin sur mes cartes imprimées... oh, je la trouverai bien !

A Écuisses, en voilà une voie verte. La bonne ? Je préfère demander à un couple de marcheurs. Ils ne savent pas trop me dire si c'est celle que je cherche, mais ils savent qu'elle va jusqu'à Paray-le-Monial. Je leur dis que je veux aller plein sud. La ville est au sud selon eux. Ok, merci, c'est parti.

Au bout de quelques minutes, ma boussole me répète que je ne vais pas plein sud. En fait, Paray-le-Monial est au sud... -ouest. Pas très bon. Ce n'était pas la bonne voie verte, j'ai en fait suivi le Canal du Centre. C'est charmant bien sûr, mais je suis en train de faire un détour. Je le quitte à Blanzy pour repiquer plus vers l'est. Je vais me taper de la nationale. On the road again.

Je roule depuis un moment sur cette route. Il y a des panneaux annonçant Cluny et Mâcon, mais jamais le kilométrage restant. Agacé, j'essaie de me faire une estimation avec ce que je me souviens de Google Maps... je me dessine des triangles entre les villes dans la tête, pendant que les voitures me rasent à toute allure. Mon exercice de géométrie terminé, je pense qu'il me reste une vingtaine de kilomètres avant Cluny et Mâcon ne doit pas être loin derrière.

Que nenni. Un panneau arrive enfin pour m'annoncer qu'il reste kilomètres avant Cluny ! Et 20 de plus pour Mâcon. Arf. Moi qui pensait y passer la nuit, cela s'annonce compliqué, la fin du jour s'approchant dangereusement. Il faut au moins que soit à Cluny pardi !

Coup dur. Mais on garde la motive. Je mesure la vitesse des charolaises au galop dans un champ au bord de la route : environ 20 km/h. Je m'arrête apprécier la vue à un belvédère. C'est beau. Les kilomètres s'égrènent et Cluny vient à moi. Ou presque.

En effet, commencer à chercher activement mon spot pour la nuit, je trouve un sous-bois parfait quelques encablures avant l'objectif. Je m'endors à 21h30. J'ai explosé mon record kilométrique : 176 km et des poussières. 24 de plus que le précédent record ! Sblaaaa !!

Triple A - L'Yonne et le Morvan

Jeudi 14/08/14

Il existe une gare à Bercy. Une petite gare certes, mais ce n'est pas une légende, elle est bien là. Première fois que je m'y rends : je monte dans un TER direction Auxerre, avec le vélo et le matos.

16h15, j'attaque les bords de l'Yonne. Platitude, sérénitude (oui j'invente des mots et alors, c'est pour la rime riche en "itude").  Je m'avale 30 km en 1h30.

La météo n'est pas très inspiratrice. J'espère que les Dieux ne vont pas trop me malmené jusqu'à dimanche soir, jusqu'à Annecy. Jusqu'à Annecy ! Je n'arrête pas de me repasser dans la tête la configuration de mon itinéraire prévu. Je suis complètement malade, cela va être super tendu d'arriver au bout...

Mailly-la-Ville, je bifurque. Cette fois-ci, j'ai bien imprimé des cartes en couleur. Pas trop le droit à l'erreur si je veux pas me rater l'objectif du weekend. La première côte. Paysage vallonné, quelques vignes. J'entre dans le Morvan.

Je fais un détour pour passer à Vézelay. Et cela grimpe. Cela grimpe encore plus dans le bourg pour monter jusqu'à la basilique Sainte-Marie Madeleine. Cela commence à me tirer sur la couenne.

Fatigué. Un peu moins après une courte pause, je redescends vers Saint-Père puis Avallon. Je choisi de passer par la vallée du Cousin. C'est le nom du cours d'eau. Mignonne petite vallée, tranquille, ombragée, la nature comme on l'aime.

Je commence à observer les bas-côtés à la recherche d'un éventuel spot pour ma tente. Que nenni. Interdit au bivouac, notamment car les terrains au bord du Cousin sont inondables. Voilà Avallon. J'hésite à refaire de la grimpette. Un gamin accoure vers sur l'ordre de ses parents : "vous cherchez le camping monsieur ?". J'ai pas tellement envie d'y aller, même si je vois bien le panneau indiquant la direction du camping municipal 5 mètres devant moi, mais dis toujours bonhomme ! Je zappe le bourg.

J'arrive au camping, 20h passé. C'est écrit que l'accueil ferme à 22h. J'entre et m'y dirige. L'employé m'accueille le plus froidement possible. "Sortez du bureau monsieur". Opa ! Le mec me demande d'attendre dehors parce qu'il va montrer leur emplacement au couple devant moi. Il ferme à clé. Bizarre ce type, il pense que je vais lui voler un prospectus pendant les 2 minutes où il va "s'absenter" à 20 mètres de l'accueil ?!

Il revient. Je demande un emplacement tout simple. Il ne veut pas que je paye maintenant... l'accueil rouvre à 8h le lendemain. Il faudra que je sois déjà parti à cette heure là. S'ensuit une petite joute verbale à coup de "si vous ne voulez pas de clients, vous me dîtes, je m'en vais". Il plie finalement, je peux payer 6,1 € avec ma carte bancaire... cela prend au moins... pfiou...  18 secondes. Pauvre homme, je lui ai massacré sa soirée en lui donnant tout ce travail.

22h05, j'ai avalé mon dîner, dont une boîte de pâté infecte. Bilan du jour : 68 bornes. C'est pas mal, je suis pas vraiment en avance, mais c'est pas mal. La pluie se pointe.

Triple A - Mais pourquoi ?

C'est le 15 août. C'est-à-dire un week-end de 3 jours... pourquoi pas refaire un weekend à vélo... oui c'est une bonne idée. La météo ? 10 jours avant, la pluie n'est pas prévue. Banco pour la rando.

Il reste à déterminer un itinéraire. Je me suis mis dans un coin de la tête d'aller pédaler dans le Morvan un de ces jours. Cela peut être l'occasion. Je regarde la ville la plus proche d'où je pourrais revenir en train. Auxerre ou Dijon. Va pour Dijon.

Sortir de Paris à vélo, c'est possible, c'est même sympa sur le papier : se dire tiens, je pars d'en-bas de chez moi et j'arrive à l'autre bout du pays, cela en jette. Mais le trafic, la banlieue, se perdre dans les feux de circulation et les bretelles de voie express, bof bof.

Alors j'envisage de prendre le RER jusqu'à Melun. Oui voilà. Melun-Dijon. Le kilométrage me paraît envisageable : environ 350 en arpentant le Morvan. Plus les détours, cela m'occuperait bien les 3 jours.

Sauf que Melun-Dijon c'est bien, mais cela ne me fait pas tellement rêver non plus. Et puis je me souviens qu'en poussant le curseur vers le Sud-Est j'arrive vers les montagnes, le Jura, voire la Savoie. Le lac d'Annecy, mais c'est bien sûr ! Là, je me vends du rêve. Annecy entre dans ma ligne de mire.

Melun-Annecy, cela me semble un peu suicidaire. Presque 550 km au plus court. Ah, je pourrais partir d'Auxerre. Cela ne fait plus "que" 400 km. Je commence à tracer mon itinéraire : avec quelques détours, je me rapproche encore des 500 km. Je commence à faire de savants calculs pour savoir quelle peut être ma limite. 175 km par jour ? 200 ? Je regarde à quelle heure se lève et se couche le soleil. Si je pédale du matin au soir, cela doit passer.


Je trouve un train Intercités de nuit pour revenir d'Annecy. Il m'intéresse parce que c'est le train pour Paris qui part le plus tard, à 21h le dimanche. Tiens, il passe à 22h à Aix-les-Bains. Oh, je pourrais faire d'une pierre deux coups et voir le lac du Bourget ! Et tiens, je peux même passer par le massif des Bauges, avec quelques cols. Tiens, il n'y en a un qui donne une superbe vue sur le lac et même sur le Mont-Blanc. 1500 m... mais cela ne se refuse pas.

A force de réflexion, je me dis qu'il vaut mieux faire Aix, puis Annecy. J'en suis tout de même à environ 500 bornes et des brouettes. De bonnes brouettes. Je pourrais toujours ne pas faire le tour du lac d'Annecy ou encore m'arrêter à Aix et économiser une vingtaine de km dans le premier cas, ou une centaine dans le second. Triple A : Auxerre-Aix-Annecy. S'arrêter à Aix serait quand même un échec.

J'achète mon billet pour rentrer le dimanche soir, couchette pour moi et local vélo... pour mon vélo. C'est acté, je me mets un objectif de malade pour 3 jours de course poursuite sur les routes de France. Par contre, la météo annoncée s'est détériorée. La pluie risque de me taquiner, les températures s'annoncent fraîches. De toute façon, l'été est pourri, même Météo France le dit.

Avec les collègues, nous échangeons le fameux "et toi, quoi de prévu ce weekend ?". Quand j'explique mon projet, l'un deux me demande, la voix mêlée d'incompréhension et de stupeur : mais pourquoi ?

En fait...
... c'est le 15 août. C'est-à-dire un week-end de 3 jours... pourquoi pas refaire un weekend à vélo...

Corsica - La remontée

Bien installés sur nos matelas par terre, nous avons passé une bonne nuit. Nous succombons à l'appel du petit déjeuner. 9€, c'est pas donné, mais à volonté, on est rassasié. Je termine mon troisième croissant avec le front de mer marseillais sous les yeux.

Nous débarquons et passons jetons un coup d’œil au MuCEM et à sa façade en béton unique puis nous arrivons sur le Vieux Port. Je vois un panneau publicitaire pour la fête du vélo qui a lieu... le 1er juin. C'est aujourd'hui !

5 minutes plus tard, un homme nous distribue un tract pour l'évènement. Cela commence dans une heure au bout du port. Notre timing est parfait.

On discute avec quelques vélocipédistes. Il y a tous les styles : les vététistes, les citadins, les randonneurs au long cours, les randonneurs en famille, les adeptes du vélotaf, les vélos couchés et même quelques bricoleurs avec des assemblages de vélos assez originaux.

Il est prévu un circuit dans la ville, avec plusieurs rues fermées aux autos. Mais l'heure tourne, alors nous quittons nos semblables et retrouvons la voiture chez Greg.

L'autoroute passe non loin d'Avignon. Je viens toujours dans le Sud en train, cette fois-ci est la seule occasion que j'ai de m'arrêter découvrir cette ville inscrite au patrimoine de mondial de l'Unesco. Antoine est d'accord. On se fait un petit détour d'un dizaine de kilomètres.

Nous traversons la vielle ville, au milieu des remparts. C'est super joli, la pierre est baignée de soleil. En partant, nous passons près du pont... d'Avignon bien sûr. Je suis satisfait.

A la sortie de la ville, je rate la bonne route. Pas de soucis, le GPS recalcule l'itinéraire. Mais j'aperçois un panneau "pont du Gard". Oh mazette ! Je veux y aller ! Antoine se marre. Il sera posé chez lui à Lyon bien avant que je sois sur Paris. C'est moi le pilote. Il n'y voit donc pas d'inconvénient. Banco.

Je m'attendais à un pont tranquille au milieu de la cambrousse. Quel naïf je fais : le site est une attraction touristique, l'entrée payante à 18€ par véhicule. On a 10 minutes pour faire demi-tour sans payer... on hésite à sprinter jusqu'au pont et revenir à temps... finalement, on passe tranquillement une petite demi-heure sur le site. On peut faire du kayak sur la rivière. Ce ne sera pas pour nous, j'ai quand même un covoitureur à récupérer à Lyon à 18h !

Nous repartons pour l'autoroute. Cap au Nord. A partir de la jonction avec l'A7, nous voilà dans un bouchon. Aïe. Après 20 minutes perdues, cela repart. On pense que c'est bon, et non. En fait, on est dans un accordéon géant d'au moins 100 km. L'avance que nous avions fond comme neige au soleil. La situation s'améliore quelques peu après la sortie pour Grenoble. Nous pensions avoir des bouchons à l'arrivée sur Lyon, même pas. Heureusement.

Mon covoituré est aussi un peu à la bourre. Enfin, pas autant que moi, mais il est arrangeant. Je dépose Antoine et son vélo chez lui et repart avec un prof d'arts plastiques fan de randonnées. Plus de bouchons jusqu'à Paris, mais une arrivée au milieu de la nuit. Le temps de déposer Raphaël aux Buttes-Chaumont, le Kangoo chez Sandra, de rentrer chez moi... je m'endors à 2h du matin après une journée, une semaine même, bien remplie !

Corsica - Porto Vecchio

Levé aux aurores. Un pivert fait son trou dans un des pins au-dessus de notre tente. On remballe le tout une dernière fois et direction les plages au Sud de la ville.

Nous visons les plages de Palombaggia et Santa Giula mais il faudrait prendre la nationale. Nous tentons par une petite route parallèle. Celle-ci ne s'avère pas du tout parallèle et nous nous arrêtons vers 10h30 pour prendre notre petit déjeuner au bord de l'eau, dans une petite crique à l'entrée du golfe. Le soleil tape mais l'eau reste froide.

De l'autre côté du golfe, les nuages menacent. On espère qu'ils vont rester là-bas... mais ils ont décidé de venir nous voir. Nous repartons en espérant les semer. Peine perdue. Les premières gouttes arrivent, suivies de beaucoup d'autres. Nous tombons dans un village, voyant un garage ouvert, je demande au proprio si nous pouvons y attendre la pluie. "Vous pouvez vous mettre dans le garage" nous répond-t-il avec l'accent corse le plus marqué de toute l'île ! Je mets deux secondes à traduire la phrase dans ma tête, nous le remercions et nous nous abritons in extremis avant que le déluge ne s'abatte. Pluie et grêlons mêlés.

Une bonne vingtaine de minutes plus tard, les cieux sont soulagés. Nous repartons, direction la ville. Nous ne sommes plus en peine de plage. Les cieux ne sont finalement pas aussi soulagé que ça, ils en rajoutent une couche alors que nous sommes sur la route. Nous roulons plusieurs kilomètres sous une pluie battante. Trempés jusqu'aux os, nous nous arrêtons dans un commerce au bord de la route même si Antoine était partant à continuer. C'est vrai qu'on ne peut pas être plus trempé... Mais c'est l'occasion d'acheter quelques saucissons en souvenirs.


Une fois le deuxième orage de la journée passé, quand on arrive en ville (tout le monde change de trottoiiiir.... ah non, je m'égare) on se rend compte que l'on va voir passer le Tour de Corse. L'officiel ! En fait, ce n'est qu'une course amateur.

Alors que nous agitons notre fanion breton devant les coureurs, la troisième saucée se prépare. Celle là, on y échappe à peu près grâce à la gargote "Chez Francky". On y rencontrera un quimpérois immigré en Corse (paraît qu'il y a beaucoup de bretons dans le coin) et on y mangera quelques frites avec un demi-poulet grillé.

Nous passons dans le centre-ville avant de rejoindre la bateau. A peine le temps d'y être et la pluie revient. Nous nous abritons dans des commerces pendant que le quatrième orage de la journée s'emballe : coupure de courant, la ruelle se transforme en rivière. Apocalypse. Nous patientons un bon quart d'heure, mais il faut bien aller au bateau qui part dans moins d'une heure...

Nous partons sous la pluie. Une fois de plus, nous nous retrouvons trempés. L'eau arrive de partout, par le ciel, par les côtés avec les voitures qui nous éclaboussent, par le bas avec les flaques. Nous atteignons le port. J'entre dans le hall dégoulinant de pluie, le papier de la réservation tire la tronche. J'obtiens tout de même nos billets puis nous nous précipitons dans le bateau avant... que le ciel ne se dégage !

Les nuages sont partis avant que nous soyons partis de l'île. Je me sèche un peu sur le pont en regardant s'éloigner la côte. Une dernière Petra avant de laisser Toulon remporter le Top14 sans moi : la fatigue, la pluie et le léger roulis m'encouragent à entamer cette nuit récupératrice qui m'attend.

Corsica - Bavella


Pour ce sixième jour, nous sommes réveillés par les débroussailleuses des employés municipaux qui viennent donner un coup de frais au terrain de camping. Cela ne nous empêchera pas d'avaler un bon petit déjeuner avant d'attaquer le bitume.


A Zonza, nous prenons la direction de Bavella. Pendant la montée, je dépasse un break étiqueté France 3. L'équipe TV filme un groupe de cyclistes, a priori une famille, et me dépasse, le caméraman assis à l'arrière du break, coffre ouvert. A ma hauteur, je vois qu'il arrête de filmer ! Je lui demande pourquoi je n'ai pas le droit d'être dans le reportage... il se marre et le break s'en va.

Et voilà les aiguilles. En haut du col, France 3 filme sa famille de cyclistes avec celles-ci en arrière-plan. Une fois le col avalé, c'est au tour d'un saucisson acheté plus tôt dans la journée.

Nous revenons sur nos pas (ou nos roues) à Zonza et testons quelques spécialités corses dans une boulangerie. Pendant que nous avalons un fiadone (dessert au fromage sucré et citronné) et un flan à la farine de châtaigne, nous retrouvons nos confrères britanniques qui cherchaient comme nous un endroit pour dormir deux jours plus tôt. Ils ont mangé au restau et demandé au patron s'ils pouvaient dormir dans le restaurant ! Ils ont eu droit de dormir sur la terrasse. Je crois qu'ils ont eu un peu froid. Entre temps, ils se sont réchauffés : ils ont été jusqu'à Bonifaccio et veulent maintenant rejoindre Bastia. Ils repartent de Corse le lendemain.

Nous nous dirigeons ensuite vers Porto Vecchio par le col d'Illarata, assez plat par le versant Ouest. De l'autre côté, cela redescend jusqu'à la côte. Tout à coup, la vue se dégage sur tout le Golfe de Porto Vecchio. Le panorama est époustouflant.

A partir de là, c'est de la descente en open bar. Je dépasse les 50 km/h sans forcer à maintes reprises. Pourtant, le vent souffle assez fort et en sens plutôt contraire. Je donne tout pour battre mon record de vitesse du premier jour. Grosse montée d'adrénaline lorsque le vélo dévale la montagne avec mon chargement et le vent prêts à me déséquilibrer. Il ne ferait pas bon tomber maintenant, et attention aux voitures en face... je réussis enfin à atteindre 64 km/h ! Victoire !

Nous sommes aux portes de Porto Vecchio. Un panneau publicitaire annonce un camping. Nous faisons le tour de la ville avant de se rendre compte... que l'entrée du camping était à 200 m du panneau. 4 étoiles s'il-vous-plaît. Enfin, à part la piscine, un camping 4 étoiles c'est comme un camping normal, sauf que c'est quelques euros plus cher.

Nous nous dépêchons de profiter de la piscine avant qu'elle ne ferme à 19h. Enfin, j'en profite, puisque l'eau est trop froide pour qu'Antoine y mette plus qu'un orteil. L'occasion de discuter avec un groupe de motards. 3 couples à moto et un couple en camionnette pour la logistique et garder les affaires pendant qu'ils partent en randos. Eh oui, ils font aussi des randos à pied et ne font pas "que rouler bêtement".

Nous fêtons notre arrivée à Porto Vecchio à la pizzeria. Nous y allons en vélo. Antoine monte son vélo sur la terrasse en bois, et laisse une trace de pneu. Le cuisinier l'engueule par la fenêtre, il faut mettre nos vélos plus loin !

Les pizzas sont excellentes. On a faim, alors on en commande même une deuxième chacun, ce qui impressionne la serveuse. Cela a aussi du faire plaisir au patron qui nous offre trois digestifs chacun au moment de régler l'addition. Avec l'apéro et une bouteille de vin, pas sûr que nous sommes très clairs quand nous rentrons au camping à 1 km de là.

Corsica - Alta Rocca


Nous entendons la camionnette de la boulangère au petit matin. Antoine accourt sur la route, mais elle est déjà partie. Une fois les vélos harnaché, nous rejoignons la place du village de Cozzano. Une épicerie, une fontaine, un bar. De quoi acheter des provisions à part du pain en rupture de stock, remplir nos gourdes et prendre un café/chocolat en tapant la discute avec deux anciens du village. Un ancien militaire qui a été au Vietnam et son voisin qui nous parle de la Bretagne en voyant notre fanion.

Après le col de la Vaccia à 1193 m, nous arrivons à Aullène. Là non plus, il n'y a plus de pain. Ici le pain, c'est le nerf de la guerre.

Nous bifurquons pour ajouter le col de la Tana à notre itinéraire, 975 m. Nous terminons au sprint avant de s'offrir la vue sur les aiguilles de Bavella au loin, aiguilles que nous gardons pour l'étape du lendemain.

En redescendant, nous nous arrêtons pour casser la croûte au bord d'un ruisseau. On fait bien attention au vent avec notre réchaud. Il ne faudrait pas remettre le feu à ce coin qui a déjà totalement brûlé quelques années auparavant. On est pas en pleine canicule non plus. Mini sieste digestive après un bain de pieds rafraichissant.

Et voilà le village de Serra-di-Scopamène. La vue depuis la placette du village est superbe. A l'épicerie, qui fait aussi bar et marchand de journaux, nous apprenons que le village ne compte que 110 habitants à l'année, mais 400 l'été, avec notamment tous les jeunes qui reviennent pour les vacances. Nous prenons une Pietra face au paysage, l'occasion pour qu'un couple de belges nous mette au courant des dernières actualités politiques françaises ! Il paraît qu'il y a encore du scandale dans l'air. Copé a démissionné. Quelle belle journée.

Il y a un camping municipal un peu plus haut, mais il est fermé. Tant mieux, nous y allons quand même. Il est situé à côté d'un centre équestre. Un des employés s'approche, content de voir des cyclistes : lui, il se fait des randos avec un vélo pliant ! Il nous informe que les sanitaires sont fermés. Tant pis, il y a un énorme terrain et une source, c'est déjà bien. De l'eau bien fraîche pour la toilette.

Corsica - Morello, Sorba et Verde

Open miel pour le petit déjeuner. Nous terminons la descente entamée la veille au soir. Nous passons devant un stand de ravitaillement pour un groupe de cyclo-touristes. A priori des anglo-saxons. Nous, nous n'avons pas notre staff logistique pour nous épauler. Vive l'autonomie ! La liberté !

Puis la route remonte vers le col de Morello. J'attends un peu Antoine qui accuse un peu le coup de nos premiers jours à fond les ballons. On a déjà 350 bornes dans les guiboles. Je mène notre duo, face au vent jusqu'au col... enfin presque. A quelques mètres du sommet, je lui annonce l'arrivée alors que je vois le panneau marquant les 824 m du col. Celui-ci, plein de fourberie, lance un sprint ! Une demi seconde de réaction plus tard, et nous donnons toutes nos force pour les derniers mètres, et passons le col au coude à coude. Chacun est persuadé d'avoir mis une demi-roue d'avance à l'autre... comme c'est moi qui raconte, on va dire que c'est moi qui ai fini devant. Petit coup dans le dos. Mais c'est du sport, et cela rajoute du piment à notre aventure. Sacré Antoine.

Vient ensuite le col de Sorba. On se chambre mutuellement sur qui a la meilleure condition physique, le vélo le plus lourd... Antoine se dit désavantagé par la remorque, moi par le poids total supérieur, puis il a des cales-pieds... Antoine annonce : il va attaquer à 5 km du col.

Nous nous épions, comme deux sprinteurs dans un vélodrome. Pas question que je continue à rouler devant à me prendre le vent pour me faire surprendre. Puis Antoine accélère. Il part fort. Je le suis, mais il en rajoute une couche. Le col est à 5 kilomètres, c'est à mon tour de rester derrière, assez loin d'ailleurs, après quasiment deux jours devant. Je ne le rattraperai plus dans les 5 lacets bien raide avant le sommet de 1311 m. Bravo !

Je dépasse tout de même une américaine qui, la voie chevrotante, me demande le nom du col. Elle fait partie du groupe croisé le matin avec son ravitaillement... et elle est perdue. Un gars en minivan passe devant et flèche le parcours pour les cyclistes, un autre ferme la marche et enlève les flèches. Elle a raté une flèche, et s'est retrouvé sans repères. Là-haut, elle arrive à appeler Andy,son organisateur. Son groupe est en bas, à Ghisoni. Elle repart soulagée.

Une fois que nous sommes nous aussi à Ghisoni, il se fait faim. Nous demandons une boulangerie. Un gars nous répond qu'il y a le "point chaud". Pardon ? "C'est comme ça qu'on l'appelle. A l'américaine !" répond-t-il, lunettes de soleil sur les yeux. Quel style. Sauf que le point chaud n'a plus rien, même pas un pain au chocolat, la boutique ferme. Il est 14h. Sans doute l'heure de la sieste.

En face, un petit restau familial nous fait de l’œil. Ils nous plus grand chose, presque plus de pain, mais arrive à nous faire une assiette de charcuterie. Festival de produits corses. Un régal.

Nous discutons un peu avec eux, du bateau qui coûte cher pour aller sur le continent, des visiteurs qui affluer d'ici quelques semaines et transformer ce petit village endormi en carrefour touristique. En ce moment, il n'y a que des randonneurs et des cyclistes. En été, il fait trop chaud. Si un cycliste vient au mois d'août, c'est qu'il s'est perdu !

Une fois repus, nous entamons les 17 km de l'ascension du col de Verde. Antoine me refait le coup de l'attaque à quelques kilomètres du sommet de 1289 m. Il termine à quelques encablures devant. Que voulez-vous, on dirait bien que c'est sa journée.

En haut, il y a un refuge du GR20. Notre route croise donc l'un des plus fameux sentiers de randonnée français. Cela mérite bien une petite Pietra.

Après quelques mots échangés avec un groupe de cyclistes dont un bonhomme de 70 ans en pleine forme pour monter les cols (!), nous redescendons sur l'autre versant en espérant trouver un petit coin de paradis pour bivouaquer.

Nous analysons plusieurs endroits, mais pas moyen de se mettre d'accord, il y a toujours un truc qui ne va pas : trop près de la route, trop pentu, trop de cailloux...l'heure tourne, et surtout, il y a de plus en plus d'habitations, ce qui signifie que cela sera de plus en plus difficile de trouver un coin tranquille. Dans l'autre sens, nous croisons deux cyclistes anglais qui eux non plus n'ont pas encore trouver un toit pour la nuit. Et ils n'ont pas de tente !

Nous trouvons finalement un petit chemin nous offrant un coin à l'abri du vent et des regards au milieu d'un village. Ce n'est pas le meilleur spot, mais il y a de la place pour la tente et la nuit tombe sur la Corse.

Corsica - Du Niolu à Corte

Au matin, on se rend compte que les cochons ont embarqué la boîte de pâté Hénaff laissé vide près de la tente. Je la retrouve 10 m plus loin. Elles sont voraces ces bêtes là.

Redescendre un col s'avère beaucoup plus facile, et rapide, que le monter. Mais il fait encore plus froid, un vent glacial se chargeant de nous réveiller. A peine la gravité a terminé son boulot que voilà le col suivant, le plus haut de Corse : le col de Vergio à 1478 m. Un virage, puis un autre, puis encore un autre. La route serpente entre les arbres de la forêt d'Aïtone. Il fait bon, il ferait presque chaud même, lors des portions ensoleillées. Le frais de la végétation nous fait économiser nos forces.

Peu avant le sommet, trois pistards nous doublent. Bien sûr, ils sont plus légers que nous ! Ils font demi-tour et en repassant, l'un deux me lance "on le refait une fois !", je ne sais pas s'il est sérieux ou non, mais je lui lance en retour "nous on vous attend là !".

Au sommet, le vent souffle fort, très fort. Il ne fait vraiment pas bon rester là, alors nous continuons notre chemin de l'autre côté après un coup d’œil à la statue du Christ Roi, mais surtout sur le paysage, la vue étant dégagée au loin. Nous avons déjà un aperçu de nos prochains kilomètres, dans le territoire du Niolu.

Dans la descente, Antoine veut faire une pause. Monsieur veut "s'alimenter" pour avoir des forces pour la montée du col. Je tombe des nues de devoir lui expliquer que le col est déjà passé ! Sacré Antoine.

La descente jusqu'au village de Calacuccia est agréable. Le village fait partie du Niolu, vallée entourée de hauts sommets, comme le Paglia Orba culminant à 2525 m. En passant devant "Chez Jojo", on se dit qu'on a bien mérité un petit restau. On se demande s'ils prennent la carte bancaire... on entre, on verra bien.

Un petit pépé nous accueille. Trois ouvriers s'envoie un demi au comptoir. Tout le monde baragouine le corse. Le pépé est sympathique, on s'installe où l'on veut, il n'y a personne d'autres de toute façon. La télé est allumé : météo de la corse. Il nous amène la carte. Nous lui demandons si la cuisine est corse :
- Tout est corse ici, vous pouvez pas vous tromper. A part le beurre.
- Ah, il vient d'où le beurre ?
- De Bretagne !
Nous voilà rassuré. Et avec l'accent, c'est du caviar (corse).

Malheureusement, à la question "acceptez-vous la CB ?", la réponse nous rassure moins. L'estomac désappointé, nous nous excusons de notre impossibilité à régler ce repas que nous ne ferons plus. "Il faut toujours avec du liquide en Corse" nous conseille-t-il.

Nous reprenons nos bolides jusqu'à la sortie du village. Un autre restaurant n'égaiera pas nos papilles non plus : pas de CB. Nous passons le barrage formant la retenue au pied du village et retentons une dernière fois notre chance. La troisième est la bonne. La serveuse est débordée, mais ils prennent la carte. Ce sera stuffatu de veau et tiramicorsu en dessert. Repus, nous passons le défilé de la Scala di Santa Regina. La roche, le canyon : là aussi, c'est magnifique.

Nous nous dirigeons vers Corte. Un "petit" col pour le dessert avec d'arriver dans la ville. Nous croisons un groupe de pistards. Enfin, ils nous dépassent une fois de plus. Enfin pas tous.

Nous piquons donc sur Corte. L'occasion d'aller faire un tour au pied de la citadelle. Antoine n'est pas tranquille et préfère rester surveiller les vélos. C'est vrai que beaucoup de gens les regardent... ils sont surtout intrigués par la remorque d'Antoine !

Nous décidons de continuer un peu et de trouver un endroit pour dormir plus au Sud, si possible en pleine campagne. Mais il n'y a pas vraiment de pleine campagne, alors quand nous voyons un panneau "camping à la ferme" dans le bled de Casanova, nous tentons le coup.

Sauf que le numéro indiqué sur la publicité ne répond pas. Le panneau indique qu'il faut emprunter la route qui descend à pic sur notre gauche. Tout ce qui est descendu devra être remonté, alors Antoine part en éclaireur mais reste bredouille. Je descends également, et on se met à chercher ce satané camping dans le village.

Je touche presque au but, et tombe sur trois compères sirotant leur bière sur le pas de la porte de la demeure de l'un d'entre eux. Il me renseigne sur le fameux camping : il n'a pas ouvert cette année, le proprio est bizarre, le proprio ne supporte pas que des gens plantent leur tente à proximité. Cela ne nous arrange pas tout ça ! Et si l'on pose notre tente sur un bout de pelouse dans le coin ? "Vous pouvez... mais nous on a rien vu". Merci les gars, vous ne servez à rien.

Après avoir tenté de remplir ma gourde dans une fontaine où la mairie a eu la bonne idée d'afficher les résultats du dernier contrôle sanitaire (présence de germes : oui !), nous remontons sur la route principale. Paraît qu'il y a un camping vers Zicavo.

Nous nous y rendons donc. Nous sommes d'autant plus contents que la route pour le camping suit l'itinéraire que nous avons prévu. Après 4 kilomètres de descente, nous trouvons notre étape pour la nuit. A part un ou deux campings de britanniques, l'endroit est vide. Cela n'enlève rien de la bonne humeur du patron, la saison n'a pas encore réellement démarré.

Dîner sous les pins et les étoiles. Va bè.