Triple A - Mais pourquoi ?

C'est le 15 août. C'est-à-dire un week-end de 3 jours... pourquoi pas refaire un weekend à vélo... oui c'est une bonne idée. La météo ? 10 jours avant, la pluie n'est pas prévue. Banco pour la rando.

Il reste à déterminer un itinéraire. Je me suis mis dans un coin de la tête d'aller pédaler dans le Morvan un de ces jours. Cela peut être l'occasion. Je regarde la ville la plus proche d'où je pourrais revenir en train. Auxerre ou Dijon. Va pour Dijon.

Sortir de Paris à vélo, c'est possible, c'est même sympa sur le papier : se dire tiens, je pars d'en-bas de chez moi et j'arrive à l'autre bout du pays, cela en jette. Mais le trafic, la banlieue, se perdre dans les feux de circulation et les bretelles de voie express, bof bof.

Alors j'envisage de prendre le RER jusqu'à Melun. Oui voilà. Melun-Dijon. Le kilométrage me paraît envisageable : environ 350 en arpentant le Morvan. Plus les détours, cela m'occuperait bien les 3 jours.

Sauf que Melun-Dijon c'est bien, mais cela ne me fait pas tellement rêver non plus. Et puis je me souviens qu'en poussant le curseur vers le Sud-Est j'arrive vers les montagnes, le Jura, voire la Savoie. Le lac d'Annecy, mais c'est bien sûr ! Là, je me vends du rêve. Annecy entre dans ma ligne de mire.

Melun-Annecy, cela me semble un peu suicidaire. Presque 550 km au plus court. Ah, je pourrais partir d'Auxerre. Cela ne fait plus "que" 400 km. Je commence à tracer mon itinéraire : avec quelques détours, je me rapproche encore des 500 km. Je commence à faire de savants calculs pour savoir quelle peut être ma limite. 175 km par jour ? 200 ? Je regarde à quelle heure se lève et se couche le soleil. Si je pédale du matin au soir, cela doit passer.


Je trouve un train Intercités de nuit pour revenir d'Annecy. Il m'intéresse parce que c'est le train pour Paris qui part le plus tard, à 21h le dimanche. Tiens, il passe à 22h à Aix-les-Bains. Oh, je pourrais faire d'une pierre deux coups et voir le lac du Bourget ! Et tiens, je peux même passer par le massif des Bauges, avec quelques cols. Tiens, il n'y en a un qui donne une superbe vue sur le lac et même sur le Mont-Blanc. 1500 m... mais cela ne se refuse pas.

A force de réflexion, je me dis qu'il vaut mieux faire Aix, puis Annecy. J'en suis tout de même à environ 500 bornes et des brouettes. De bonnes brouettes. Je pourrais toujours ne pas faire le tour du lac d'Annecy ou encore m'arrêter à Aix et économiser une vingtaine de km dans le premier cas, ou une centaine dans le second. Triple A : Auxerre-Aix-Annecy. S'arrêter à Aix serait quand même un échec.

J'achète mon billet pour rentrer le dimanche soir, couchette pour moi et local vélo... pour mon vélo. C'est acté, je me mets un objectif de malade pour 3 jours de course poursuite sur les routes de France. Par contre, la météo annoncée s'est détériorée. La pluie risque de me taquiner, les températures s'annoncent fraîches. De toute façon, l'été est pourri, même Météo France le dit.

Avec les collègues, nous échangeons le fameux "et toi, quoi de prévu ce weekend ?". Quand j'explique mon projet, l'un deux me demande, la voix mêlée d'incompréhension et de stupeur : mais pourquoi ?

En fait...
... c'est le 15 août. C'est-à-dire un week-end de 3 jours... pourquoi pas refaire un weekend à vélo...

Corsica - La remontée

Bien installés sur nos matelas par terre, nous avons passé une bonne nuit. Nous succombons à l'appel du petit déjeuner. 9€, c'est pas donné, mais à volonté, on est rassasié. Je termine mon troisième croissant avec le front de mer marseillais sous les yeux.

Nous débarquons et passons jetons un coup d’œil au MuCEM et à sa façade en béton unique puis nous arrivons sur le Vieux Port. Je vois un panneau publicitaire pour la fête du vélo qui a lieu... le 1er juin. C'est aujourd'hui !

5 minutes plus tard, un homme nous distribue un tract pour l'évènement. Cela commence dans une heure au bout du port. Notre timing est parfait.

On discute avec quelques vélocipédistes. Il y a tous les styles : les vététistes, les citadins, les randonneurs au long cours, les randonneurs en famille, les adeptes du vélotaf, les vélos couchés et même quelques bricoleurs avec des assemblages de vélos assez originaux.

Il est prévu un circuit dans la ville, avec plusieurs rues fermées aux autos. Mais l'heure tourne, alors nous quittons nos semblables et retrouvons la voiture chez Greg.

L'autoroute passe non loin d'Avignon. Je viens toujours dans le Sud en train, cette fois-ci est la seule occasion que j'ai de m'arrêter découvrir cette ville inscrite au patrimoine de mondial de l'Unesco. Antoine est d'accord. On se fait un petit détour d'un dizaine de kilomètres.

Nous traversons la vielle ville, au milieu des remparts. C'est super joli, la pierre est baignée de soleil. En partant, nous passons près du pont... d'Avignon bien sûr. Je suis satisfait.

A la sortie de la ville, je rate la bonne route. Pas de soucis, le GPS recalcule l'itinéraire. Mais j'aperçois un panneau "pont du Gard". Oh mazette ! Je veux y aller ! Antoine se marre. Il sera posé chez lui à Lyon bien avant que je sois sur Paris. C'est moi le pilote. Il n'y voit donc pas d'inconvénient. Banco.

Je m'attendais à un pont tranquille au milieu de la cambrousse. Quel naïf je fais : le site est une attraction touristique, l'entrée payante à 18€ par véhicule. On a 10 minutes pour faire demi-tour sans payer... on hésite à sprinter jusqu'au pont et revenir à temps... finalement, on passe tranquillement une petite demi-heure sur le site. On peut faire du kayak sur la rivière. Ce ne sera pas pour nous, j'ai quand même un covoitureur à récupérer à Lyon à 18h !

Nous repartons pour l'autoroute. Cap au Nord. A partir de la jonction avec l'A7, nous voilà dans un bouchon. Aïe. Après 20 minutes perdues, cela repart. On pense que c'est bon, et non. En fait, on est dans un accordéon géant d'au moins 100 km. L'avance que nous avions fond comme neige au soleil. La situation s'améliore quelques peu après la sortie pour Grenoble. Nous pensions avoir des bouchons à l'arrivée sur Lyon, même pas. Heureusement.

Mon covoituré est aussi un peu à la bourre. Enfin, pas autant que moi, mais il est arrangeant. Je dépose Antoine et son vélo chez lui et repart avec un prof d'arts plastiques fan de randonnées. Plus de bouchons jusqu'à Paris, mais une arrivée au milieu de la nuit. Le temps de déposer Raphaël aux Buttes-Chaumont, le Kangoo chez Sandra, de rentrer chez moi... je m'endors à 2h du matin après une journée, une semaine même, bien remplie !

Corsica - Porto Vecchio

Levé aux aurores. Un pivert fait son trou dans un des pins au-dessus de notre tente. On remballe le tout une dernière fois et direction les plages au Sud de la ville.

Nous visons les plages de Palombaggia et Santa Giula mais il faudrait prendre la nationale. Nous tentons par une petite route parallèle. Celle-ci ne s'avère pas du tout parallèle et nous nous arrêtons vers 10h30 pour prendre notre petit déjeuner au bord de l'eau, dans une petite crique à l'entrée du golfe. Le soleil tape mais l'eau reste froide.

De l'autre côté du golfe, les nuages menacent. On espère qu'ils vont rester là-bas... mais ils ont décidé de venir nous voir. Nous repartons en espérant les semer. Peine perdue. Les premières gouttes arrivent, suivies de beaucoup d'autres. Nous tombons dans un village, voyant un garage ouvert, je demande au proprio si nous pouvons y attendre la pluie. "Vous pouvez vous mettre dans le garage" nous répond-t-il avec l'accent corse le plus marqué de toute l'île ! Je mets deux secondes à traduire la phrase dans ma tête, nous le remercions et nous nous abritons in extremis avant que le déluge ne s'abatte. Pluie et grêlons mêlés.

Une bonne vingtaine de minutes plus tard, les cieux sont soulagés. Nous repartons, direction la ville. Nous ne sommes plus en peine de plage. Les cieux ne sont finalement pas aussi soulagé que ça, ils en rajoutent une couche alors que nous sommes sur la route. Nous roulons plusieurs kilomètres sous une pluie battante. Trempés jusqu'aux os, nous nous arrêtons dans un commerce au bord de la route même si Antoine était partant à continuer. C'est vrai qu'on ne peut pas être plus trempé... Mais c'est l'occasion d'acheter quelques saucissons en souvenirs.


Une fois le deuxième orage de la journée passé, quand on arrive en ville (tout le monde change de trottoiiiir.... ah non, je m'égare) on se rend compte que l'on va voir passer le Tour de Corse. L'officiel ! En fait, ce n'est qu'une course amateur.

Alors que nous agitons notre fanion breton devant les coureurs, la troisième saucée se prépare. Celle là, on y échappe à peu près grâce à la gargote "Chez Francky". On y rencontrera un quimpérois immigré en Corse (paraît qu'il y a beaucoup de bretons dans le coin) et on y mangera quelques frites avec un demi-poulet grillé.

Nous passons dans le centre-ville avant de rejoindre la bateau. A peine le temps d'y être et la pluie revient. Nous nous abritons dans des commerces pendant que le quatrième orage de la journée s'emballe : coupure de courant, la ruelle se transforme en rivière. Apocalypse. Nous patientons un bon quart d'heure, mais il faut bien aller au bateau qui part dans moins d'une heure...

Nous partons sous la pluie. Une fois de plus, nous nous retrouvons trempés. L'eau arrive de partout, par le ciel, par les côtés avec les voitures qui nous éclaboussent, par le bas avec les flaques. Nous atteignons le port. J'entre dans le hall dégoulinant de pluie, le papier de la réservation tire la tronche. J'obtiens tout de même nos billets puis nous nous précipitons dans le bateau avant... que le ciel ne se dégage !

Les nuages sont partis avant que nous soyons partis de l'île. Je me sèche un peu sur le pont en regardant s'éloigner la côte. Une dernière Petra avant de laisser Toulon remporter le Top14 sans moi : la fatigue, la pluie et le léger roulis m'encouragent à entamer cette nuit récupératrice qui m'attend.

Corsica - Bavella


Pour ce sixième jour, nous sommes réveillés par les débroussailleuses des employés municipaux qui viennent donner un coup de frais au terrain de camping. Cela ne nous empêchera pas d'avaler un bon petit déjeuner avant d'attaquer le bitume.


A Zonza, nous prenons la direction de Bavella. Pendant la montée, je dépasse un break étiqueté France 3. L'équipe TV filme un groupe de cyclistes, a priori une famille, et me dépasse, le caméraman assis à l'arrière du break, coffre ouvert. A ma hauteur, je vois qu'il arrête de filmer ! Je lui demande pourquoi je n'ai pas le droit d'être dans le reportage... il se marre et le break s'en va.

Et voilà les aiguilles. En haut du col, France 3 filme sa famille de cyclistes avec celles-ci en arrière-plan. Une fois le col avalé, c'est au tour d'un saucisson acheté plus tôt dans la journée.

Nous revenons sur nos pas (ou nos roues) à Zonza et testons quelques spécialités corses dans une boulangerie. Pendant que nous avalons un fiadone (dessert au fromage sucré et citronné) et un flan à la farine de châtaigne, nous retrouvons nos confrères britanniques qui cherchaient comme nous un endroit pour dormir deux jours plus tôt. Ils ont mangé au restau et demandé au patron s'ils pouvaient dormir dans le restaurant ! Ils ont eu droit de dormir sur la terrasse. Je crois qu'ils ont eu un peu froid. Entre temps, ils se sont réchauffés : ils ont été jusqu'à Bonifaccio et veulent maintenant rejoindre Bastia. Ils repartent de Corse le lendemain.

Nous nous dirigeons ensuite vers Porto Vecchio par le col d'Illarata, assez plat par le versant Ouest. De l'autre côté, cela redescend jusqu'à la côte. Tout à coup, la vue se dégage sur tout le Golfe de Porto Vecchio. Le panorama est époustouflant.

A partir de là, c'est de la descente en open bar. Je dépasse les 50 km/h sans forcer à maintes reprises. Pourtant, le vent souffle assez fort et en sens plutôt contraire. Je donne tout pour battre mon record de vitesse du premier jour. Grosse montée d'adrénaline lorsque le vélo dévale la montagne avec mon chargement et le vent prêts à me déséquilibrer. Il ne ferait pas bon tomber maintenant, et attention aux voitures en face... je réussis enfin à atteindre 64 km/h ! Victoire !

Nous sommes aux portes de Porto Vecchio. Un panneau publicitaire annonce un camping. Nous faisons le tour de la ville avant de se rendre compte... que l'entrée du camping était à 200 m du panneau. 4 étoiles s'il-vous-plaît. Enfin, à part la piscine, un camping 4 étoiles c'est comme un camping normal, sauf que c'est quelques euros plus cher.

Nous nous dépêchons de profiter de la piscine avant qu'elle ne ferme à 19h. Enfin, j'en profite, puisque l'eau est trop froide pour qu'Antoine y mette plus qu'un orteil. L'occasion de discuter avec un groupe de motards. 3 couples à moto et un couple en camionnette pour la logistique et garder les affaires pendant qu'ils partent en randos. Eh oui, ils font aussi des randos à pied et ne font pas "que rouler bêtement".

Nous fêtons notre arrivée à Porto Vecchio à la pizzeria. Nous y allons en vélo. Antoine monte son vélo sur la terrasse en bois, et laisse une trace de pneu. Le cuisinier l'engueule par la fenêtre, il faut mettre nos vélos plus loin !

Les pizzas sont excellentes. On a faim, alors on en commande même une deuxième chacun, ce qui impressionne la serveuse. Cela a aussi du faire plaisir au patron qui nous offre trois digestifs chacun au moment de régler l'addition. Avec l'apéro et une bouteille de vin, pas sûr que nous sommes très clairs quand nous rentrons au camping à 1 km de là.

Corsica - Alta Rocca


Nous entendons la camionnette de la boulangère au petit matin. Antoine accourt sur la route, mais elle est déjà partie. Une fois les vélos harnaché, nous rejoignons la place du village de Cozzano. Une épicerie, une fontaine, un bar. De quoi acheter des provisions à part du pain en rupture de stock, remplir nos gourdes et prendre un café/chocolat en tapant la discute avec deux anciens du village. Un ancien militaire qui a été au Vietnam et son voisin qui nous parle de la Bretagne en voyant notre fanion.

Après le col de la Vaccia à 1193 m, nous arrivons à Aullène. Là non plus, il n'y a plus de pain. Ici le pain, c'est le nerf de la guerre.

Nous bifurquons pour ajouter le col de la Tana à notre itinéraire, 975 m. Nous terminons au sprint avant de s'offrir la vue sur les aiguilles de Bavella au loin, aiguilles que nous gardons pour l'étape du lendemain.

En redescendant, nous nous arrêtons pour casser la croûte au bord d'un ruisseau. On fait bien attention au vent avec notre réchaud. Il ne faudrait pas remettre le feu à ce coin qui a déjà totalement brûlé quelques années auparavant. On est pas en pleine canicule non plus. Mini sieste digestive après un bain de pieds rafraichissant.

Et voilà le village de Serra-di-Scopamène. La vue depuis la placette du village est superbe. A l'épicerie, qui fait aussi bar et marchand de journaux, nous apprenons que le village ne compte que 110 habitants à l'année, mais 400 l'été, avec notamment tous les jeunes qui reviennent pour les vacances. Nous prenons une Pietra face au paysage, l'occasion pour qu'un couple de belges nous mette au courant des dernières actualités politiques françaises ! Il paraît qu'il y a encore du scandale dans l'air. Copé a démissionné. Quelle belle journée.

Il y a un camping municipal un peu plus haut, mais il est fermé. Tant mieux, nous y allons quand même. Il est situé à côté d'un centre équestre. Un des employés s'approche, content de voir des cyclistes : lui, il se fait des randos avec un vélo pliant ! Il nous informe que les sanitaires sont fermés. Tant pis, il y a un énorme terrain et une source, c'est déjà bien. De l'eau bien fraîche pour la toilette.

Corsica - Morello, Sorba et Verde

Open miel pour le petit déjeuner. Nous terminons la descente entamée la veille au soir. Nous passons devant un stand de ravitaillement pour un groupe de cyclo-touristes. A priori des anglo-saxons. Nous, nous n'avons pas notre staff logistique pour nous épauler. Vive l'autonomie ! La liberté !

Puis la route remonte vers le col de Morello. J'attends un peu Antoine qui accuse un peu le coup de nos premiers jours à fond les ballons. On a déjà 350 bornes dans les guiboles. Je mène notre duo, face au vent jusqu'au col... enfin presque. A quelques mètres du sommet, je lui annonce l'arrivée alors que je vois le panneau marquant les 824 m du col. Celui-ci, plein de fourberie, lance un sprint ! Une demi seconde de réaction plus tard, et nous donnons toutes nos force pour les derniers mètres, et passons le col au coude à coude. Chacun est persuadé d'avoir mis une demi-roue d'avance à l'autre... comme c'est moi qui raconte, on va dire que c'est moi qui ai fini devant. Petit coup dans le dos. Mais c'est du sport, et cela rajoute du piment à notre aventure. Sacré Antoine.

Vient ensuite le col de Sorba. On se chambre mutuellement sur qui a la meilleure condition physique, le vélo le plus lourd... Antoine se dit désavantagé par la remorque, moi par le poids total supérieur, puis il a des cales-pieds... Antoine annonce : il va attaquer à 5 km du col.

Nous nous épions, comme deux sprinteurs dans un vélodrome. Pas question que je continue à rouler devant à me prendre le vent pour me faire surprendre. Puis Antoine accélère. Il part fort. Je le suis, mais il en rajoute une couche. Le col est à 5 kilomètres, c'est à mon tour de rester derrière, assez loin d'ailleurs, après quasiment deux jours devant. Je ne le rattraperai plus dans les 5 lacets bien raide avant le sommet de 1311 m. Bravo !

Je dépasse tout de même une américaine qui, la voie chevrotante, me demande le nom du col. Elle fait partie du groupe croisé le matin avec son ravitaillement... et elle est perdue. Un gars en minivan passe devant et flèche le parcours pour les cyclistes, un autre ferme la marche et enlève les flèches. Elle a raté une flèche, et s'est retrouvé sans repères. Là-haut, elle arrive à appeler Andy,son organisateur. Son groupe est en bas, à Ghisoni. Elle repart soulagée.

Une fois que nous sommes nous aussi à Ghisoni, il se fait faim. Nous demandons une boulangerie. Un gars nous répond qu'il y a le "point chaud". Pardon ? "C'est comme ça qu'on l'appelle. A l'américaine !" répond-t-il, lunettes de soleil sur les yeux. Quel style. Sauf que le point chaud n'a plus rien, même pas un pain au chocolat, la boutique ferme. Il est 14h. Sans doute l'heure de la sieste.

En face, un petit restau familial nous fait de l’œil. Ils nous plus grand chose, presque plus de pain, mais arrive à nous faire une assiette de charcuterie. Festival de produits corses. Un régal.

Nous discutons un peu avec eux, du bateau qui coûte cher pour aller sur le continent, des visiteurs qui affluer d'ici quelques semaines et transformer ce petit village endormi en carrefour touristique. En ce moment, il n'y a que des randonneurs et des cyclistes. En été, il fait trop chaud. Si un cycliste vient au mois d'août, c'est qu'il s'est perdu !

Une fois repus, nous entamons les 17 km de l'ascension du col de Verde. Antoine me refait le coup de l'attaque à quelques kilomètres du sommet de 1289 m. Il termine à quelques encablures devant. Que voulez-vous, on dirait bien que c'est sa journée.

En haut, il y a un refuge du GR20. Notre route croise donc l'un des plus fameux sentiers de randonnée français. Cela mérite bien une petite Pietra.

Après quelques mots échangés avec un groupe de cyclistes dont un bonhomme de 70 ans en pleine forme pour monter les cols (!), nous redescendons sur l'autre versant en espérant trouver un petit coin de paradis pour bivouaquer.

Nous analysons plusieurs endroits, mais pas moyen de se mettre d'accord, il y a toujours un truc qui ne va pas : trop près de la route, trop pentu, trop de cailloux...l'heure tourne, et surtout, il y a de plus en plus d'habitations, ce qui signifie que cela sera de plus en plus difficile de trouver un coin tranquille. Dans l'autre sens, nous croisons deux cyclistes anglais qui eux non plus n'ont pas encore trouver un toit pour la nuit. Et ils n'ont pas de tente !

Nous trouvons finalement un petit chemin nous offrant un coin à l'abri du vent et des regards au milieu d'un village. Ce n'est pas le meilleur spot, mais il y a de la place pour la tente et la nuit tombe sur la Corse.

Corsica - Du Niolu à Corte

Au matin, on se rend compte que les cochons ont embarqué la boîte de pâté Hénaff laissé vide près de la tente. Je la retrouve 10 m plus loin. Elles sont voraces ces bêtes là.

Redescendre un col s'avère beaucoup plus facile, et rapide, que le monter. Mais il fait encore plus froid, un vent glacial se chargeant de nous réveiller. A peine la gravité a terminé son boulot que voilà le col suivant, le plus haut de Corse : le col de Vergio à 1478 m. Un virage, puis un autre, puis encore un autre. La route serpente entre les arbres de la forêt d'Aïtone. Il fait bon, il ferait presque chaud même, lors des portions ensoleillées. Le frais de la végétation nous fait économiser nos forces.

Peu avant le sommet, trois pistards nous doublent. Bien sûr, ils sont plus légers que nous ! Ils font demi-tour et en repassant, l'un deux me lance "on le refait une fois !", je ne sais pas s'il est sérieux ou non, mais je lui lance en retour "nous on vous attend là !".

Au sommet, le vent souffle fort, très fort. Il ne fait vraiment pas bon rester là, alors nous continuons notre chemin de l'autre côté après un coup d’œil à la statue du Christ Roi, mais surtout sur le paysage, la vue étant dégagée au loin. Nous avons déjà un aperçu de nos prochains kilomètres, dans le territoire du Niolu.

Dans la descente, Antoine veut faire une pause. Monsieur veut "s'alimenter" pour avoir des forces pour la montée du col. Je tombe des nues de devoir lui expliquer que le col est déjà passé ! Sacré Antoine.

La descente jusqu'au village de Calacuccia est agréable. Le village fait partie du Niolu, vallée entourée de hauts sommets, comme le Paglia Orba culminant à 2525 m. En passant devant "Chez Jojo", on se dit qu'on a bien mérité un petit restau. On se demande s'ils prennent la carte bancaire... on entre, on verra bien.

Un petit pépé nous accueille. Trois ouvriers s'envoie un demi au comptoir. Tout le monde baragouine le corse. Le pépé est sympathique, on s'installe où l'on veut, il n'y a personne d'autres de toute façon. La télé est allumé : météo de la corse. Il nous amène la carte. Nous lui demandons si la cuisine est corse :
- Tout est corse ici, vous pouvez pas vous tromper. A part le beurre.
- Ah, il vient d'où le beurre ?
- De Bretagne !
Nous voilà rassuré. Et avec l'accent, c'est du caviar (corse).

Malheureusement, à la question "acceptez-vous la CB ?", la réponse nous rassure moins. L'estomac désappointé, nous nous excusons de notre impossibilité à régler ce repas que nous ne ferons plus. "Il faut toujours avec du liquide en Corse" nous conseille-t-il.

Nous reprenons nos bolides jusqu'à la sortie du village. Un autre restaurant n'égaiera pas nos papilles non plus : pas de CB. Nous passons le barrage formant la retenue au pied du village et retentons une dernière fois notre chance. La troisième est la bonne. La serveuse est débordée, mais ils prennent la carte. Ce sera stuffatu de veau et tiramicorsu en dessert. Repus, nous passons le défilé de la Scala di Santa Regina. La roche, le canyon : là aussi, c'est magnifique.

Nous nous dirigeons vers Corte. Un "petit" col pour le dessert avec d'arriver dans la ville. Nous croisons un groupe de pistards. Enfin, ils nous dépassent une fois de plus. Enfin pas tous.

Nous piquons donc sur Corte. L'occasion d'aller faire un tour au pied de la citadelle. Antoine n'est pas tranquille et préfère rester surveiller les vélos. C'est vrai que beaucoup de gens les regardent... ils sont surtout intrigués par la remorque d'Antoine !

Nous décidons de continuer un peu et de trouver un endroit pour dormir plus au Sud, si possible en pleine campagne. Mais il n'y a pas vraiment de pleine campagne, alors quand nous voyons un panneau "camping à la ferme" dans le bled de Casanova, nous tentons le coup.

Sauf que le numéro indiqué sur la publicité ne répond pas. Le panneau indique qu'il faut emprunter la route qui descend à pic sur notre gauche. Tout ce qui est descendu devra être remonté, alors Antoine part en éclaireur mais reste bredouille. Je descends également, et on se met à chercher ce satané camping dans le village.

Je touche presque au but, et tombe sur trois compères sirotant leur bière sur le pas de la porte de la demeure de l'un d'entre eux. Il me renseigne sur le fameux camping : il n'a pas ouvert cette année, le proprio est bizarre, le proprio ne supporte pas que des gens plantent leur tente à proximité. Cela ne nous arrange pas tout ça ! Et si l'on pose notre tente sur un bout de pelouse dans le coin ? "Vous pouvez... mais nous on a rien vu". Merci les gars, vous ne servez à rien.

Après avoir tenté de remplir ma gourde dans une fontaine où la mairie a eu la bonne idée d'afficher les résultats du dernier contrôle sanitaire (présence de germes : oui !), nous remontons sur la route principale. Paraît qu'il y a un camping vers Zicavo.

Nous nous y rendons donc. Nous sommes d'autant plus contents que la route pour le camping suit l'itinéraire que nous avons prévu. Après 4 kilomètres de descente, nous trouvons notre étape pour la nuit. A part un ou deux campings de britanniques, l'endroit est vide. Cela n'enlève rien de la bonne humeur du patron, la saison n'a pas encore réellement démarré.

Dîner sous les pins et les étoiles. Va bè.

Corsica - Calanche de Piana

Réveil à 7h. Nous partons pour Porto. Deux nordistes essaient de s'accrocher à nos roues pour la première côte de la journée. On se relaie avec Antoine, nos deux acolytes de passage sont loin derrière après quelques kilomètres. Au bout, nous sommes récompensés par la vue sur le Golfe de la Girolata.

Nous redescendons sur Porto avec un arrêt ravitaillement à la supérette et attaquons la montée vers la Calanche de Piana. Un paysage de granit rose, avec des roches façonnées par l'érosion. Tout est magnifique, la vue, la côte, la météo.



Pause déjeuner sur les hauteurs, l'occasion de laisser passer tous les retraités se baladant dans leurs vieilles voitures de collection. Les voitures sont belles, mais elles nous pétaradent aux oreilles et ces vieux c... nous frôlent, alors moins on les voit, mieux on roule.

Nous redescendons jusqu'à Cargèse, où nous nous retrouvons au niveau de la mer. Nous gardons un rythme élevé. Et pourtant, nous avons encore un objectif majeur pour cette journée : grimper notre premier "vrai" col corse, celui de Sévi à 1101 m.

Sur la première partie, Antoine qui tirait un peu la langue un peu plus tôt se chauffe. Il me lance une attaque, je chambre gentiment sa condition physique alors il veut montrer c'est qui le patron ! Il me met une bonne centaine de mètre, mais je finis par le rattraper au village de Vico. On en profite pour remettre de l'eau dans nos bidons. Je vais au ravito dans le bar du village. Un grand-père sert un demi au seul client, assis en terrasse, et donne un brin de causette à une congénère. Il me remplit les bidons avec de l'eau bien fraîche et me demande : "vous montez ou vous descendez ?". On monte ! Alors il m'informe qu'il reste 8 km... mais le premier est raide.

Effectivement, c'est un mur ! Nous peinons sur tour de pédale. Chaque centimètre gagné est une victoire. J'avance à 5 km/h... petit plateau petit pignon, mais j'avance. Le dur se termine, on a même le droit à une petite descente. Antoine est à quelques mètres devant moi, nous sommes à 30 km/h, et c'est le moment où un cochon se décide à traverser la route...

Il fait un pas en arrière et laisse finalement passer Antoine, mais il se lance juste après ! Je le vois au dernier moment, coup de frein d'urgence ! Mon pneu arrière chasse, on arrête pas 100 kg comme ça. Le cochon se fait la malle. La collision n'est pas passée loin, la chute non plus. On peut terminer ce sacré col.

La montée n'en finit jamais. Antoine peine un peu avec sa remorque. Je continue à mon rythme. La température commence à baisser, et je ne vois plus Antoine. Une brume s'installe sur les hauteurs. Après plusieurs dizaines de minutes (peut-être une heure ?) à mouliner, la topographie du terrain me laisse enfin espérer que le col n'est plus très loin. Une voiture descend la route. A l'intérieur, une famille. La maman à l'avant semble m'applaudir. Cela me booste les dernières centaines de mètres. Sévi, me voilà !

En haut, des cochons m'attendent. Puis un couple de belges. Nous verrons plusieurs spécimens de ces deux catégories tout au long de la semaine. Antoine arrive un peu plus tard.


Nous sommes éreintés et il commence à faire froid. Nous installons notre tente en haut du col. Du pâté Hénaff, une petite soupe pour nous réchauffer et au lit.

Corsica - De Bastia à Galeria : la côte Nord-Ouest

Le jour se lève sur la Méditerranée. On se bouge un poil trop tard pour profiter de la vue sur le Cap Corse. Dommage, surtout que l'on ne va pas y passer à vélo. On en voit un tout petit bout, mais voilà déjà Bastia.


Le bateau accoste. Nous débarquons à 8h du matin. Le temps de trouver la sortie du port et l'aventure commence. Nous ne nous attardons pas dans Bastia, nous avons des kilomètres à avaler. Sans le savoir, nous attaquons notre première "difficulté", comme disent les commentateurs : le col de Teghime, à 522 m. La vue en vaut la peine.

Nous redescendons sur Saint-Florent, revoilà la côte. Nous la suivons vers l'Ouest. Nous croisons 4 cyclistes suisses que nous suivons sur quelques kilomètres sur la nationale. En mode échappée du Tour, ça piste. Je peine à suivre Antoine qui s'accroche.


Les suisses font une pause, nous on continue jusqu'à Île-Rousse pour notre pause déjeuner. On a déjà 70 km dans les guiboles pour l'apéro. Antoine les sent bien. Les premiers vacanciers de la saison sont déjà sur la plage, pourtant l'eau n'est pas bien chaude.

En ressortant de la ville, nous passons jeter un coup d’œil au championnat du monde de trial près du port. Les motards escaladent la falaise... c'est un peu dingue. On est pas prêt de faire la même chose avec nos bécanes, alors on passe notre chemin.

Nous atteignons Calvi et jetons un autre coup d’œil à la citadelle. Œuvre des génois au 13ème siècle. Cela ne nous rajeunit pas tout ça. Nous continuons le long de la côte Ouest de l'île. Littoral découpé, eau transparente, vue imprenable depuis la route en surplomb : on ne regrette pas notre choix d'itinéraire.

La route est un petit défoncée mais on avance bien. Tellement que j'ai un petit coup de mou vers 110 ou 120 kilomètres alors qu'Antoine s'enflamme devant. Une banane me redonne la patate. Les quelques gouttes de pluie qui arrivent ne nous arrêtent pas et nous arrivons près de Galeria, il va falloir commencer à penser au bivouac.

En croisant une autochtone en voiture, elle nous indique un camping à proximité. On serait plus pour établir notre campement en pleine nature... mais on va voir quand même. Nous le trouvons à 2 ou 3 kilomètres de là. L'endroit est désert, il semble à moitié à l'abandon. Il y a de grandes tentes montées dans une prairie derrière l'accueil. Nous décidons de mettre la nôtre un peu plus loin, la pluie s'y met pour de bon. 30 minutes plus tard, quelqu'un arrive...

C'est Jean-Michel. C'est le proprio. Quadragénaire (ou quinqua ?) torse-poil, en short et taillé comme un athlète, il nous apparaît tout de suite sympathique : "vous pouvez dormir dans les grandes tentes, il y a même des lits et des matelas". Nickel. Grand sportif et passionné de nature, il reçoit des groupes d'ados pour des camps tout l'été. Il est encore dans la phase de préparatifs et ne reçoit théoriquement personne. Mais bon, maintenant qu'on est là, pas de problème.

Il nous raconte sa mésaventure d'il y a quelques années : un genoux pété en faisant le malin dans la montagne. Mal soigné, il doit (un peu) limiter ses activités sportives aujourd'hui, à sa plus grande tristesse, lui pour qui le sport est une drogue. Pendant que nous préparons et avalons notre dîner, il nous raconte également un peu l'histoire de la Corse, l'attitude des corses vis-à-vis du tourisme et des continentaux. A 22h, nous écourtons nos bavardages et entamons un repos salvateur.

Corsica

A peine le premier trip passé, il est temps de préparer le suivant. Pour notre semaine à vélo avec Antoine, nous projetions une boucle entre les côtes normandes et anglo-saxonnes, avec la traversée en ferry entre les deux.

Mais au hasard de surf Internet, je tombe sur une phrase toute bête dans un forum : "la Corse est extra-ordinaire à vélo". J'envoie un petit mail à Antoine, une semaine avant le départ, pour lui faire part de ma découverte... je troquerai bien la Normandie contre la Corse, mais ne voulant pas passer pour celui qui change d'avis au dernier moment, je lui en parle comme un autre trip à faire plus tard... mais au final, nous sommes tous les deux partants pour la Corse. Banco.

Et c'est ainsi que le 24 juin je me retrouve dans la voiture, vélo à l'arrière, direction Marseille. Je pars à 6h50 de Montreuil. Le périph est déjà chargé. La radio est KO, alors je chante tout seul. A 9h, je passe le Morvan. A 11h, je m'approche de Lyon et du premier bouchon des vacances au tunnel de Fourvière.

Le temps de récupérer Antoine dans la banlieue lyonnaise, et nous voilà sur la route des vacances. Antoine a prévu les sandwichs et on se relaie au volant. Nous parcourons les entrailles de la cité phocéenne en milieu d'après-midi. Nous rejoignons les quartiers sud pour laisser la voiture chez notre pote Greg. Nous avons le droit à l'apéro en prime. Merci Greg !

Il ne faut pas trop traîner non plus. On a pas un train à prendre, mais un ferry ! On prépare les bécanes puis on file vers le port. On s'est un peu relâché sur le timing. On embarque 10 minutes avant le départ, et non pas une heure comme conseillé sur le billet. Pas de soucis, nous sommes tout de même dans les temps.

On se rend compte que la majeure partie des passagers sont des retraités, et puis il y a aussi quelques familles. Tout ce petit monde dort en cabines. Nous, on a le basique, un fauteuil pour dormir. Mais avant de prendre des forces avant d'attaquer les cols de l'île, nous réglons la question de l'itinéraire. On déplie la carte routière par terre. Au moins un demi milliers de kilomètres en perspective, du dénivelé, beaucoup de dénivelé.

Après cela, on se permet de reprendre l'apéro avec le coucher de soleil  sur la Méditerranée en toile de fond : pastis pour l'un, bière corse pour l'autre, histoire de se mettre dans l'ambiance !